lundi, mai 22, 2006

DE LA FRANCE, DE L’ESCLAVAGE ET DE LA BRETAGNE

Le 10 mai, la France a célébré pour la première fois l’abolition de la traite négrière et de l’esclavage. Cette première fait suite aux prises de conscience de leur passé par les Français et la promulgation de lois mémorielles relatives à la traite, à l’esclavage et au colonialisme. Avoir pratiqué l’esclavage et déclaré, par la loi dite Taubira du 21 mai 2001, que c’est un crime contre l’humanité, interdit définitivement à la France de s’autoproclamer la «patrie des Droits de l’Homme», et de donner des leçons à la terre entière....

Le devoir de mémoire nécessite de se souvenir que le Danemark fut le premier pays européen à abolir l’esclavage et que son abolition doit au moins autant au Royaume-Uni qu’à Victor Schoelcher dont le combat doit être reconnu au même titre que celui de l’anglais William Wilberforce. Il est malsain de laisser accroire, sans situer la traite et l’esclavage dans son contexte européen, que la France aurait implicitement ouvert la voie.

Il convient aussi de rappeler que l’abolition véritable de l’esclavage en tant qu’action directe de l’état français n’a eu définitivement lieu qu’en 1962, lors de la libération de l’Algérie, où prévalait encore le statut indigène qui obligeait les peuples colonisés à des servitudes diverses non rémunérées.

Il appartient à la Bretagne et aux Bretons, de garder en mémoire l’implication de leur nation dans ce phénomène européen. Alors que la Bretagne a été la première nation européenne à abolir le servage, elle est aussi pratiquement le dernier pays d’Europe à pratiquer la traite qui perdura à Nantes plus de vingt ans après l’abolition de 1848.

Quand bien même la Bretagne était sous administration française, ce passé n’est pas très honorable et la Bretagne a une dette morale envers les descendants des victimes de la traite et de l’esclavage, une obligation à comprendre les traumatismes qu’ils vivent encore quelques générations après. Le cas de Dieudonné, fils d’une Bretonne et d’un Camerounais donne à réfléchir. Il aurait pu être le symbole d’une réconciliation entre les communautés, il a choisi une voie bien décevante. Mais il peut encore revenir à plus de pondération.

Cette prise de conscience du passé négrier breton est initiée depuis quelques années, non sans douleur, et l’on peut se réjouir qu’un espace de mémoire sur ce sujet douloureux soit consacré au château des Ducs de Bretagne. Si l’on ouvre un jour un musée de la traite à Nantes, le Parti Breton demande qu’il porte le nom de Toussaint-Louverture plutôt que celui d’un Européen.
Si la prise de conscience du passé est une étape qui est doit être menée complètement, il convient également de ne pas se complaire dans la culpabilité, qui peut être aussi stérile que l’ignorance délibérée. Car le passé est intangible et il vient un moment où il faut se consacrer au futur.

Les actions concrètes, qui sont souvent le fait d’associations, restent difficiles à mener dans un contexte de difficultés économiques et d’immigration mal gérée, propice au racisme. L’action en Afrique noire ou aux Caraïbes reste délicate du fait des contextes politiques. Il faut éviter l’écueil qui consiste à aider en se donnant seulement bonne conscience et persévérer dans une attitude paternaliste ou colonialiste, faute d’être suffisamment à l’écoute ou respectueux des identités. Malgré toutes ces circonstances contraires, la Bretagne doit et peut développer une collaboration économique équitable et moderne s’inscrivant dans le très long terme.
A SAMSOM

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