lundi, janvier 25, 2010

La marche vers les indépendances


Le Congolais Patrice Emery Lumumba, en 1960© AFP

Portraits des acteurs de l’Afrique francophone libre et récit de l’inexorable processus qui a redessiné la carte du monde.

L’an 1960, dont Jeune Afrique entend célébrer le jubilé, n’est pas seulement une date symbolique de la décolonisation de l’Afrique ; il est, objectivement, celui au cours duquel dix-sept États africains, presque subitement, accédèrent à l’indépendance. Dans l’ordre chronologique : Cameroun, Sénégal, Togo, Madagascar, Congo-Léopoldville (RD Congo), Somalie, Dahomey (Bénin), Niger, Haute-Volta (Burkina), Côte d’Ivoire, Tchad, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon, Soudan français (Mali), Nigeria, Mauritanie. Il faut observer que l’ère coloniale, période historique précédant la décolonisation, et qui avait interféré avec une accélération inédite de l’histoire politique, diplomatique, économique, sociale, démographique et technique du monde, avait elle aussi été brève : soixante-quinze ans, si l’on adopte le repère initial généralement retenu, celui de la conférence de Berlin (1884-1885).



Le monde, en 1959, vit dans l’équilibre de la terreur, dans une guerre froide qui se poursuit d’embrasements plus ou moins locaux en précaires embellies. Cette année-là, en Afrique, oriente d’abord les projecteurs sur un vaste territoire qui ne faisait guère parler de lui. Premier producteur mondial de cobalt et de diamant, sixième de cuivre et de manganèse, le Congo belge présente une façade de prospérité dans ses villes parmi les plus modernes d’Afrique subsaharienne : Léopoldville (Kinshasa) et Élisabethville (Lubumbashi). Les investissements sociaux – logement et santé publique – y sont plus développés que dans les territoires voisins. Enrichis par ce fleuron du pacte colonial, les Belges ont célébré orgueilleusement, en 1956, le cinquantenaire de l’Union minière du Haut-Katanga (l’actuelle Gécamines), convaincus, en voyant s’effriter les empires français et britannique, qu’ils sont en train d’accomplir une œuvre coloniale exemplaire.



Le Congo belge de 1959

Car le peu d’agitation politique reste verbal, et circonscrit dans le très petit cercle des « évolués ». L’Abako (Association des Bakongos) s’est politisée depuis 1954 sous l’influence de Joseph Kasa-Vubu ; elle revendique la restauration du royaume kongo. Dans une perspective semblable, Godefroid Munongo est l’un de ceux qui créent, en octobre 1958, la Conakat (Confédération des associations tribales du Katanga). Il n’existe aucune assemblée représentative, fût-elle consultative, et les seules élections qui ont eu lieu, en 1957 et en 1958, étaient communales.

Or l’accélération de l’histoire dans les territoires voisins de l’Afrique-Équatoriale française commence à retentir de ce côté-ci du fleuve. La baisse des cours des matières premières a engendré une récession et du chômage. En même temps que la Conakat est né le Mouvement national congolais (MNC), seule formation politique de type moderne et interethnique. Parmi ses fondateurs figurent Patrice Lumumba et Albert Kalonji.



Le dimanche 4 janvier 1959, une réunion de l’Abako est interdite au dernier moment à Léopoldville. Elle se transforme en manifestation, que la police charge violemment. En quelques heures, une émeute embrase la ville, les policiers protégeant les quartiers européens. Pendant deux jours, des voitures sont incendiées, des centres sociaux et des missions saccagés, des boutiques portugaises pillées. Le calme revenu, on compte officiellement quarante-neuf morts et officieusement deux cents, tous africains. Quarante-neuf Européens sont parmi les centaines de blessés. Les leaders de l’Abako sont arrêtés.

La panique se propage de Léopoldville à Bruxelles, où les milieux politiques virent en un instant de l’immobilisme insouciant à l’activisme brouillon. Dès le 13 janvier, une série de mesures sont adoptées par le gouvernement, tendant à mettre en place, dans un délai d’un an, des assemblées partiellement élues par les Congolais, à abolir la discrimination, à développer l’instruction, à relever les salaires… Et c’est le roi Baudouin Ier, jusqu’alors otage du « lobby katangais » à travers son père, l’ex-roi Léopold III, qui lâche le mot magique, annonçant que l’indépendance sera au terme du processus qui s’amorce, la Belgique y conduisant sa colonie « sans atermoiements funestes, mais sans précipitation inconsidérée ».




Une course folle


Pronostic hasardeux : il y aura et des atermoiements et de la précipitation. Les atermoiements viennent d’abord du gouverneur Henri Cornélis, qui freine l’application des réformes. La précipitation se traduit par une course folle entre le gouvernement belge, enfin décidé à conduire un mouvement inéluctable, et les leaders congolais, dont les partis s’organisent, s’affrontent, éclatent et se rapprochent. Sans parler des éphémères micropartis qui pullulent.

Dans la perspective des élections, prévues pour décembre, les mouvements ethniques se muent en partis. Mais ils se savent incapables d’exercer leur influence à l’échelle d’un vaste territoire. Ils échafaudent donc des projets sécessionnistes. Le plus radical est la Conakat, dirigée par Moïse Tshombé, auprès de qui les dirigeants des entreprises minières du Katanga et de la Rhodésie du Nord (Zambie) voisine font miroiter l’eldorado que serait un Katanga indépendant.



Face à ces groupes régionalistes qu’encouragent les missionnaires, l’administration semble, un moment, accorder sa préférence à ce qu’on appelle désormais le MNC-Lumumba. C’est, en effet, le seul parti unitaire. Mais, du 23 au 29 novembre, à Stanleyville (Kisangani), le congrès du MNC-L décide de boycotter les élections et de lancer un « plan positif pour la libération immédiate du Congo ». C’est la rupture avec les autorités, qui arrêtent Lumumba. Non sans peine : les militants protègent leur leader, et la police tire ; il y a vingt morts (chiffre officiel).

Entre-temps, le gouvernement belge a rejeté le plan du ministre des Colonies, Van Hemelrijck, prévoyant, pour janvier 1960, l’élection d’une Assemblée constituante et la mise en place d’un gouvernement provisoire. Au lieu de cela, il est décidé d’organiser, en janvier, une table ronde sur l’avenir du Congo. Du coup, tout le monde se désintéresse de la consultation de décembre, qui doit mettre en place des structures dépassées avant d’exister.

L’année se termine étrangement. Les premières élections générales organisées dans ce pays sont un non-événement. L’organisation politique est, à peu près, au degré zéro, comme dans les colonies anglaises et françaises quinze ans plus tôt. Or – mais, évidemment, personne ne l’imagine – le Congo sera indépendant dans six mois : avant le Nigeria et la plupart des colonies françaises.



Du côté de la France

L’Union française est morte en 1958. La IVe République, qui l’a entraînée dans sa chute, était la fille de la France libre, que Charles de Gaulle, après la défaite de 1940 sur le sol métropolitain, avait assise sur l’empire ultramarin. Sa brève histoire fut celle d’une puissance coloniale s’accrochant à un passé glorieux et incapable de conduire un grand dessein pour l’avenir de l’ensemble africain encore réuni sous son drapeau, si ce n’est en réagissant aux initiatives des peuples colonisés et du monde extérieur. Elle succomba sous un dernier coup de boutoir donné en terre africaine non par les Africains secouant le joug, mais par des Français qu’aveuglait leur nostalgie, à Alger le 13 mai 1958.

Pourtant, à la même époque, il ne reste plus qu’une étape à franchir avant que les Républiques africaines de l’ex-empire français accèdent à la souveraineté internationale. Car les blocages ne sont pas les mêmes concernant de lointains territoires tropicaux qu’en Algérie, où vivent, sur les bords de la Méditerranée occidentale, « lac français », un million de « Français de souche » ou prétendus tels. Le lobby colonial d’Afrique noire a tiré ses dernières cartouches. Et le gouvernement de la Ve République naissante a besoin de présenter une image de décolonisateur au concert des nations devant lequel sa politique algérienne le met en mauvaise posture.



1945 : des Africains à Paris


« Veut-on que la France devienne une colonie de ses anciennes colonies ? » s’exclamait Édouard Herriot à l’Assemblée constituante en 1946, devant le projet d’extension de la citoyenneté française à tous les ressortissants de ce qui allait devenir l’Union française. Outrance de langage ? Nullement : la vision apocalyptique de l’ancien président du Conseil n’était pas autre chose que ce qui serait advenu si la doctrine de l’assimilation des peuples colonisés avait été appliquée jusqu’à son terme logique. Autant dire qu’elle manquait de réalisme.

Dans une certaine mesure, c’est quand même selon cette ligne que furent accomplis les premiers pas sinon de la décolonisation, du moins de l’accession des Africains à des responsabilités politiques. En effet, alors qu’ils ne jouissaient, dans leurs territoires respectifs, que de droits civiques restreints, des députés « nègres » légiférèrent à Paris, à partir de 1945, avec les mêmes pouvoirs que leurs collègues métropolitains ou des départements d’outre-mer. S’ils intervenaient surtout dans les débats qui portaient sur les colonies, leurs votes furent souvent décisifs en politique intérieure, dans un Parlement où les majorités se faisaient et se défaisaient à quelques voix près : ils renversèrent l’éphémère gouvernement de Robert Schuman en 1948 ; ils empêchèrent Christian Pineau d’être investi président du Conseil en 1955.



Neuf d’entre eux furent membres du gouvernement (Lamine Guèye, Joseph Conombo, Fily Dabo Sissoko, Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny, Hamadoun Dicko, Modibo Keita, Hubert Maga et Hamani Diori) et trois se succédèrent à la vice-présidence de l’Assemblée nationale (Mamadou ­Konaté, ­­Modibo Keita et Hamani Diori). Après le succès du Rassemblement démocratique africain (RDA) aux élections de 1956, les députés de ce parti furent plus nombreux que ceux de l’Union démocratique et socialiste de la résistance (UDSR) de René Pleven et de François Mitterrand, avec lesquels ils formaient un groupe parlementaire : le groupe UDSR-RDA qui devint RDA-UDSR.

D’autres Africains siégeaient au Sénat, au Conseil économique et social, ainsi que, bien entendu, à l’Assemblée de l’Union française. Un tel aréopage réuni à Paris facilita la création de grands regroupements interterritoriaux autant que le débat d’idées.



Créé dès octobre 1946, le RDA entendait rassembler tous les élus d’Afrique noire et les affranchir de la tutelle des partis français. Ceux-ci firent échouer l’opération par leurs manœuvres. Le Parti communiste (PC) couva l’œuf ; ce que voyant, la SFIO (socialiste) empêcha ses adhérents d’aller au congrès constitutif de Bamako, et aboutit ainsi au résultat inverse de ce qu’elle voulait, précipitant le RDA dans les bras du PC. Le premier parti africain resta apparenté aux communistes pendant quatre ans, ce qui, dans le climat de la guerre froide, le faisait apparaître « dans l’orbite de Moscou » et le jeta dans l’opposition systématique, au détriment de son efficacité. Il n’en joua pas moins un rôle déterminant dans la décolonisation.

Les Indépendants d’outre-mer (IOM) n’ont jamais été un parti structuré comme le RDA. Ils se sont constitués au début de septembre 1948 comme groupe parlementaire, sous l’impulsion de deux démissionnaires du RDA qui n’avaient pas pu obtenir le désapparentement du parti à l’égard du PC : le Béninois Apithy et le Togolais Martin Aku, avec des non-inscrits. S’étant séparé de la SFIO, Senghor les rejoignit un mois plus tard. Devenus le groupe africain le plus important après les élections de 1951, les IOM se transformèrent en mouvement au congrès de Bobo-Dioulasso en février 1953.




1953 : pour ou contre la fédération


À ce congrès, Senghor, soulignant l’ineptie du concept assimilationniste et réfutant l’indépendance, fit adopter le projet de transformation progressive de l’Union française en une fédération d’États, en une « République française une et divisible ». L’idée était lancée, pour ou contre laquelle allait se cristalliser le processus de décolonisation, puis s’opposer tendances et dirigeants. Qu’à l’intérieur de cette fédération subsistassent les « fédérations primaires » d’Afrique-Occidentale française (AOF) et d’Afrique-Équatoriale française (AEF) allait encore de soi. Ce serait bientôt une autre pomme de discorde.


1956 : Cameroun et Togo, cas particuliers


On ne parlait donc pas encore sérieusement d’indépendance dans les fédérations d’Afrique francophone. Il en allait différemment à Madagascar, au Cameroun et au Togo.

En mars 1946, les députés malgaches avaient présenté à l’Assemblée constituante une proposition de loi abolissant la colonisation et créant un État libre au sein de l’Union française. La rébellion de 1947-1948 fut noyée dans le sang de dizaines de milliers de tués, mais non la revendication d’indépendance.



Cameroun et Togo, territoires sous tutelle des Nations unies associés à l’Union française, étaient gérés à peu près comme les colonies, mais la France devait tenir compte de la double pression exercée par l’ONU et par les leaders politiques s’appuyant sur un statut qui devait mener leurs peuples à « la capacité à s’administrer eux-mêmes ou à l’indépendance ». Créée en avril 1948, l’Union des populations du Cameroun, principal parti nationaliste de ce territoire, devait entrer en dissidence en mai 1955, marquant l’évolution politique du sceau d’une lutte armée. Au Togo, la France mit en œuvre des réformes, tout en écartant le CUT (Comité d’unité togolaise) nationaliste de Sylvanus Olympio par des trucages électoraux.

La loi-cadre de 1956-1957 fut la grande étape à la fin de la IVe République, et révélatrice du clivage entre RDA et IOM. Les élections de janvier 1956 à l’Assemblé nationale avaient permis la formation d’un gouvernement de centre gauche succédant à un cabinet de centre droit. Mais une évolution inverse s’était produite en Afrique. Le RDA, devenu un parti modéré, se contentait de réclamer des réformes économiques et sociales dans une « communauté franco-africaine » recrépie. Il était revenu en force à l’Assemblée nationale, avec neuf députés au lieu de trois. Les IOM, qui poursuivaient la radicalisation de leurs revendications, avaient perdu la moitié de leurs quatorze sièges.



En bonne logique de régime parlementaire, Houphouët-Boigny avait remplacé Senghor au gouvernement. Soucieux d’affranchir la Côte d’Ivoire de la tutelle de Dakar, il contribua à faire prévaloir le démembrement des fédérations d’AOF et d’AEF. Du coup, la loi-cadre accorda bien une personnalité politique aux territoires, dotés d’une Assemblée et d’un Conseil de gouvernement, mais les pouvoirs antérieurement exercés par Dakar et Brazzaville, s’ils furent partiellement dévolus aux territoires, furent considérablement ramenés à Paris. Violant la Constitution avec l’accord tacite du Parlement, le gouvernement mit objectivement l’Afrique sur la voie des indépendances, même s’il n’en était nullement question dans les textes et guère plus dans les idées, mais il établit la balkanisation dénoncée par Senghor et ses amis.

Cependant, le Togo britannique ayant choisi le rattachement au futur Ghana, le Togo français devint une république autonome dès le 30 août 1956. Le Cameroun, où les maquisards étaient passés à l’offensive en décembre 1956, devint un État sous tutelle en mai 1957, avec un statut intermédiaire entre celui des territoires autonomes, entré en application un mois plus tôt, et celui du Togo.

Les élections municipales de décembre 1956 portèrent à la tête de sept villes d’Afrique noire des hommes qui seraient bientôt chefs d’État : Apithy à Porto-Novo, Boganda à Bangui, Houphouët-Boigny à Abidjan, Keita à Bamako, Mba à Libreville, Touré à Conakry et Youlou à Brazzaville.



1958 : une communauté transitoire

Quant aux grands partis, ils ont évolué en désordre. Les IOM, devenus Convention africaine, ont adopté le projet de Senghor, qui était une complexe pyramide de fédérations. Le RDA, qui avait conquis la moitié des sièges dans les assemblées territoriales d’AOF et plus du quart dans celles d’AEF, s’est rallié à la lutte contre la balkanisation, aux exceptions notables d’Houphouët-Boigny et du Gabonais Léon Mba. Le leader ivoirien s’est orienté, néanmoins, vers l’idée d’une fédération franco-africaine… au moment où Senghor l’estimait dépassée et proposait une confédération. Enfin, en mars 1958, la plupart des partis autres que le RDA se sont unis au sein du Parti du regroupement africain (PRA).

On est donc en pleine effervescence quand, de Gaulle revenu au pouvoir, le comité constitutionnel va mettre sur pied la Communauté franco-africaine. Ministre d’État, Houphouët-Boigny préside le groupe de travail pour l’outre-mer, où la querelle du fédéralisme bat son plein. Il parvient à faire écarter les fédérations primaires. Le débat rebondit sur la structure de la Communauté. Le PRA durcit sa position, sous l’influence du Guinéen Sékou Touré et du Nigérien Djibo Bakary, qui lance le slogan : « L’indépendance d’abord. Le reste ensuite. » Senghor essaie de faire adopter un système confédéral incluant le droit de sécession assorti de garde-fous. De Gaulle tranche, prenant le parti du leader ivoirien : l’autodétermination s’exercera une fois pour toutes, dans chaque territoire, par le référendum constitutionnel. Le choix sera entre l’indépendance immédiate – étant entendu qu’on « ne peut concevoir un territoire indépendant et une France qui continuerait de l’aider » – et l’intégration à jamais dans une Communauté fédérale.



8 août 1958, à Paris. Le président du Conseil comprend vite que la plupart des Africains ressentent l’alternative comme un chantage et que, si le oui au référendum implique renonciation au droit à l’indépendance, la Communauté sera balayée. Les plus lucides savent qu’aucun contrat n’est éternel. Le Malgache Philibert Tsiranana confie à des journalistes : « Dans un an ou dans un siècle, Madagascar sortira de la Communauté. Sans doute très prochainement. » Mais beaucoup ressentent un affront. Alors, le 24 du même mois, à Brazzaville, de Gaulle fait la concession décisive, reconnaissant le droit de sécession « au bout d’un certain temps [qu’il] ne précise pas ». La Communauté ne sera qu’une transition.

Tous ne considèrent pas l’affront lavé pour autant. Le 28 septembre 1958, la Guinée vote non et accède à l’indépendance. Elle en retire un prestige certain, mais elle le paiera cher.



La Communauté franco-africaine est née. Fédération sans véritable cadre institutionnel, elle est floue. Elle le restera tant et si bien qu’elle disparaîtra sans jamais être formellement dissoute.

Donc, au début de 1959, des ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne et de l’océan Indien, une est indépendante ; deux – Cameroun et Togo – le sont presque ; douze sont des républiques autonomes au sein de la Communauté ; les Comores et Djibouti demeurent des territoires d’outre-mer, et la Réunion un département. Ultime paradoxe ivoirien : alors que les nouvelles Républiques n’ont, évidemment, plus d’élus au Parlement français, Houphouët-Boigny reste ministre, dans le gouvernement Debré, jusqu’au 21 mai.



1959 : les derniers soubresauts des colonies

Les fédéralistes n’ont pas dit leur dernier mot. Le 17 janvier, Dahomey (Bénin), Haute-Volta (Burkina), Soudan français (Mali) et Sénégal adoptent la Constitution de la Fédération du Mali, que les quatre Assemblées ratifient dans les quinze jours. Mais, un mois plus tard, attirés dans l’orbite de la Côte d’Ivoire, les deux premiers s’en sont retirés. La Mauritanie, que le Maroc revendique comme partie de son territoire, reste à l’écart. Avec pour président et vice-président du gouvernement fédéral les Premiers ministres des Républiques membres, Modibo Keita et Mamadou Dia – Senghor étant président de l’Assemblée fédérale –, la Fédération à deux va animer la Communauté pendant un an et demi.

En Afrique-Équatoriale française, le Centrafricain Barthélemy Boganda, apôtre des États-Unis d’Afrique latine, meurt le 29 mars, victime d’un accident d’avion. Mais son projet de maintien de la fédération d’AEF, en attendant de l’élargir vers le sud, avait été enterré avant lui sous les particularismes.

Le 30 mai, Dahomey, Haute-Volta et Niger forment avec la Côte d’Ivoire le Conseil de l’entente, organe de concertation sans structure d’union, auquel sa souplesse – et le fonds de solidarité alimenté par Abidjan – permettra de survivre à tous les différends politiques.



Le dernier acte de l’année se joue de juillet à décembre. Regroupant les deux principales formations du Mali, l’UPS sénégalaise et l’US-RDA soudanaise, le Parti de la Fédération africaine (PFA) se prononce pour l’indépendance au sein d’une communauté transformée en confédération. Houphouët-Boigny réagit d’abord violemment, puis se retire sous sa tente. Le 11 décembre, présidant le conseil exécutif de la Communauté, réuni à Saint-Louis (Sénégal), de Gaulle annonce l’accord de la France. Dans un climat de profonde émotion, il le confirme, le surlendemain, devant l’Assemblée fédérale à Dakar. Le 15 décembre, Tsiranana demande l’indépendance pour Madagascar. Les négociations franco-maliennes et franco-malgaches pour le transfert de souveraineté s’ouvriront bientôt.

Houphouët-Boigny avait gagné la première manche ; il a perdu la seconde. Pragmatique, il en tirera les leçons. Le rideau peut se lever sur 1960.

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