samedi, décembre 31, 2011

Bonne année 2012


La crise s'est installée dans l'économie et quelque part la peur domine l'année à venir, contrairement à l'an 2000 où l'on percevait une grande inquiétude, à l'aube de 2012 c'est la peur qui prévaut. Nous ressentons que le monde que nous connaissons s'effondre et nos valeurs avec...

Dans l'adversité et la difficulté nous devons toujours conserver une lueur d'espoir et ne pas verser dans la haine ou le mépris, afin de pas nous altérer et continuer d'aimer et de vivre.

Bonne et heureuse année 2012, souhaitons la paix, la santé et l'amour.

jeudi, décembre 15, 2011

« LES RESSORTISSANTS PANAMEENS DE SOUCHE ANTILLAISE SONT – AUJOURD’HUI –LES TEMOINS D’UNE EMIGRATION REUSSIE »


D’où vous vient cet intérêt pour ces « Enfants perdus du Panama »(1) ?

Cette « passion », pourrais-je dire, remonte à ma rencontre avec Gabriel Lisette en 1968. Il faut savoir que ce natif du Panama, de parents antillais, a été premier ministre du gouvernement de la République du Tchad en 1958. Le Général de Gaulle le remarque et le nomme au conseil consultatif visant à préparer la Constitution de la V République. Il est nommé ensuite ministre conseiller du Gouvernement français. Il défendra avec ardeur les intérêts de l’Afrique. Sur sa recommandation, j’ai été nommé conseiller culturel de l’Ambassade française à Panama.

Quelles sont les causes de cette émigration martiniquaise et guadeloupéenne vers le Panama ?

Depuis 1885 des crises économiques secouaient ces îles ; puis, l’éruption de la montagne Pelée, en 1902, à la Martinique, une sécheresse en 1905 avaient contraint au chômage toute la frange littorale du nord caraïbe de la Martinique. Cette population fournira le gros des contingents de migrants avec des originaires de Marie-Galante et de Sainte-Rose en Guadeloupe. Ils ont été plus de 10.000 à partir (fin 19ème /début 20ème siècle) creuser le canal de Panama dans le simple désir d’améliorer leurs conditions de vie.

Quelle était la vie quotidienne de ces immigrés antillais dans la Zone du Canal américaine ?

L’organisation du travail s’appuyait sur la discrimination raciale entre américains et non-américains, entre travailleurs blancs et travailleurs noirs. La hiérarchie des salaires prenait en compte l’origine ethnique. Les Américains de race blanche (les « gold employees ») étaient payés en dollars américains de 900 à 7200 dollars par an. Les ouvriers européens de 380 à 480 dollars, les Antillais de 240 à 320 dollars. Des lieux publics, des fontaines, des toilettes étaient réservés aux « employés d’or », d’autres aux « employés d’argent » (silver employees ), payés en monnaie panaméenne . Des quartiers portaient des panneaux « réservés aux blancs ».

Les Antillais ont-ils payé un lourd tribut à la construction de ce canal ?

Il y eut de très nombreuses victimes terrassées par des fièvres, tuées par des explosions de dynamite. Le cimetière antillais de Paraiso se veut le témoin de l’histoire douloureuse de ces ouvriers qui ont donné leur vie à une œuvre de portée internationale. Une stèle a été depuis érigée à leur mémoire (« aux grands hommes des Antilles, la patrie reconnaissante »). Sur cette stèle on voit, également, une plaque du Conseil Général de la Martinique, une de la Jeunesse Martiniquaise, une autre de l’ancien maire de la commune du « Morne- rouge » en Martinique, le député Pierre Petit.

La construction du Canal terminée en 1914, qu’est-il advenu de cette main d’œuvre ?

Leur rapatriement aux Antilles était prévu par une des clauses du contrat Karner. Mais les crédits du rapatriement furent utilisés pour l’acheminement vers l’Europe des troupes américaines en route vers les fronts de la Première Guerre Mondiale. De plus, au bout de 10 ans de familiarisation avec ce pays, beaucoup d’entre eux ont choisi de rester à Panama où ils avaient fondé famille et trouvé du travail.
Tant que dura le percement de ce Canal, ils furent tolérés ; mais quand ils se présentèrent sur le marché du travail en concurrence avec les panaméens, ils furent en butte aux premières manifestations de rejet qui se traduisirent par des lois restrictives (la loi 38 ne leur ouvrait accès qu’à des emplois insignifiants). Ils s’organisèrent alors en créant « la Fraternité », une association d’entraide par la tontine, ouvrirent aussi leurs propres écoles pour la scolarisation de leurs enfants…

Peut-on dire que leur intégration s’est bâtie dans la sueur et le sang ?

On l’a vu par le percement du canal ; par ailleurs, cette émigration de couleur arrivait dans une société panaméenne elle-même déchirée par des tensions sociales entre l’oligarchie blanche et le prolétariat noir et métis. Les Antillais ont, ainsi, subi des violences perpétrées par « la Main bleue », l’équivalent du Ku Klux Klan local, qui s’était assignée de protéger la culture, la nationalité panaméennes menacées par le « péril antillais». A partir de 1946, le gouvernement panaméen a favorisé leur intégration et leur naturalisation. Mais, les lois restrictives persistaient, elles ne furent abolies qu’en 1961 par un amendement à la Constitution. En 1972 le nationalisme panaméen dans sa lutte pour recouvrir sa souveraineté dans la zone du canal a posé sans ambigüité le problème de l’intégration des minorités ethniques et culturelles marginales. Il s’agissait de renforcer l’unité nationale. En 1981, la composante franco-antillaise a été officiellement reconnue comme constitutive de l’identité panaméenne.

La contribution de ces émigrants a-t-elle été prépondérante dans l’édification de Panama ?

Leur rôle s’est avéré primordial, d’une part, dans la plupart des grands travaux d’aménagement de la construction de la voie ferrée et le percement du Canal ; ensuite, comme main d’œuvre dans les grandes cultures de la canne et de la banane ; puis comme artisans, propriétaires de petits commerces, de petites entreprises…Dans la géographie urbaine, les villes de Panama, de Colon leur doivent leur transformation par le défrichage de la forêt, qui a permis de l’extension de nouveaux quartiers suburbains . La création, en 1980, du Musée Afro-antillais salue leur rôle et leur contribution à la naissance de l’histoire de Panama.

Peut-on affirmer que l’ascenseur social fonctionne, aujourd’hui, en leur faveur ?

Sans conteste…Les Panaméens d’origine antillaise sont entre 50.000 et 60.000…Une élite existe et, parmi elle, des ingénieurs, des médecins, des avocats, des banquiers, des hommes politiques, des membres de gouvernement…Rogelio Dumanoir, par exemple, a été ministre des travaux publics pendant 10 ans, sa sœur a été une virulente député de Colon ; enfin Julio Duton Kennion , a été Gouverneur(Préfet nommé) de la province de Colon…Aujourd’hui, on peut affirmer que les ressortissants panaméens de souche antillaise sont les témoins d’une émigration réussie.

Ces Panaméens des Antilles ou ces Antillais- Panaméens ont-ils gardé une fidélité à leurs racines d’origine ?

Incontestablement. Roger Eneleda, ancien président de « La Fraternité », m’écrivait : « Nous savons que vous pensez beaucoup à nous, vos compatriotes éloignés de notre petite patrie que nous rêvons souvent toujours avec l’espoir de revoir un jour ». Une autre adhérente Alice de Karbiche m’indiquait en 1979, « Panama est ma patrie, mais la Martinique, ma mère ». Des liens n’ont jamais cessé d’être tissés entre le Panama et les Antilles. Aimé Césaire avait, de son temps, œuvré pour leur reconnaissance. L’ancien président du Conseil général de la Martinique, Claude Lise, avait dépêché  des émissaires et des aides. Les Chambres de commerce de la Guadeloupe ont signé des protocoles d’échanges et de coopérations avec le Panama. Enfin, celle de la Martinique commence à s’y intéresser. Cette émigration réussie fait des émules, de jeunes entrepreneurs, et même des retraités antillais vont s’installer à Panama…Tout un symbole.

Max Pierre-Fanfan
Journaliste
  1. titre du film sur l’émigration antillaise à Panama réalisé par Gérard César et produit par Barcha Bauer

mardi, décembre 13, 2011

Martinique : Un grand historien de la Caraïbe est mort


Fort-de-France, 12 déc. 2011 [AlterPresse] --- Le grand historien martiniquais, Georges Bernard Mauvois, qui a œuvré à faire connaitre l’histoire de la Caraïbe, est décédé le mardi 6 décembre des suites d’une longue maladie, apprend AlterPresse.

Chercheur et écrivain, il a collaboré à la rédaction de l’ouvrage « Histoire et civilisations de la Caraïbe. » Parmi ses œuvres, on peut citer : « Un complot d’esclaves : Martinique 1831 », « Louis-des-Etages 1873-1925 : itinéraire d’un homme politique Martiniquais », pour lequel il a obtenu en 1990 le prix Frantz Fanon.

Mauvois est mort le jour même du cinquantième anniversaire de la disparition de Frantz Fanon, célèbre écrivain, médecin psychiatre et militant anti-colonialiste martiniquais.

Historien passionné, il a œuvré pour la connaissance de l’histoire de la Caraïbe et en particulier d’Haïti.

Soucieux de la transmission au plus grand nombre, il répondait à toutes les demandes d’interventions, de quelque bord que viennent celles-ci. Il était membre du Comité Devoir de Mémoire.

Militant de l’émancipation sociale et de la cause martiniquaise, il a été co-fondateur, en 1970 du GAP (Groupe d’Action Prolétarien) dont la ligne et l’action sont à l’origine de tout le mouvement « Asé Pléré An Nou Lité »

mardi, décembre 06, 2011

Un rappel historique : Martinique


De 1905 à 1948, la balance commerciale avait été constamment favorable. La Martinique vendait plus qu'elle n'achetait (le pouvoir d'achat de la population était alors très faible). En 1938, les ventes dépassaient les achats de 32%, en 1947, encore de 12%. Puis ce fut le déficit qui se creusa à vive allur: en 1970 la valeur des importations était presque 5 fois plus élevé que celles des exportations. Et cela ne s'arrêta pas.

Armand Nicolas, Histoire de la Martinique (tome 3), L'Harmattan, page 250

jeudi, décembre 01, 2011

La mémoire de Frantz Fanon revisitée



Né en 1925 à Fort-de-France, Frantz Fanon ou encore "Dr Omar", psychiatre, psychologue, écrivain d’origine antillaise, décédé à l’âge de 36 ans des suites d’une leucémie, a travaillé et milité à Blida pour l’indépendance de l’Algérie de 1953 à 1957, date de son expulsion.

Imprégné des idées du Dr Tosquelles (réfugié catalan antifranquiste, à St Alban en Lozère, qui développe des pratiques nouvelles, à contre-courant de la psychiatrie française), dont il a fait partie de l’équipe durant son internat, Frantz Fanon, nommé en 1953 médecin-chef à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, va révolutionner les méthodes et traitements appliqués jusque-là aux malades. C’était encore l’époque de la camisole de force, des chaînes, du jet d’eau froide, de l’électrochoc, de traitements lourds et celle du primitivisme, école de pensée psychiatrique faisant autorité à Alger, et dont la théorie, au service du pouvoir colonial, faisait de l’indigène nord-africain un être “intellectuellement inférieur”, “dépourvu du lobe préfrontal”, “hâbleur, menteur, voleur et fainéant” mais encore “un débile hystérique sujet à des impulsions homicides imprévisibles ancestrales”. Cette école (celle de Sutter et Porot), Fanon lui sera un violent opposant ; il la combattra en donnant tout au long de son œuvre (Peau noire, masques blancs, Les damnés de la Terre, L’an V de la révolution algérienne, Pour la révolution algérienne…) une autre image de l’homme colonisé, celle d’un être infantilisé, opprimé, rejeté, déshumanisé, acculturé, aliéné. 

Décoloniser le milieu psychiatrique
Il découvre, en arrivant, un asile d’aliénés soumis au code de l’indigénat, avec une séparation radicale entre les malades mentaux européens et les malades indigènes, bénéficiant, pour les premiers, de meilleures conditions d’accueil, au sein de pavillons aérés, plus grands, contrairement aux autres, entassés dans une grande salle. Il y avait aussi deux médecines à l’usage pour chacune des deux populations de malades, les seconds (les indigènes, du “2e collège”) considérés comme des incurables. Prenant le contre-pied de la psychiatrie coloniale, Fanon commencera par libérer les malades en leur retirant leurs chaînes, et se lance dans la rénovation institutionnelle de ses services avec la volonté de désaliéner et décoloniser le milieu psychiatrique, constatant que les souffrances mentales du patient indigène provenaient, pour une large part, du fait de la situation de colonisation, ce qui lui vaudra des hostilités de la part de bon nombre de ses collègues. Son premier geste fort sera de supprimer, en quelque sorte, les cloisons, donnant une impulsion à la psychiatrie en milieu ouvert : il commence par entrer dans les services en se rapprochant avec bienveillance des malades -ce que ne faisaient pas ses confrères- instaurant un vivre-ensemble entre soignants et patients, jusque-là enfermés et isolés. Il va, ainsi, entreprendre d’humaniser l’institution psychiatrique en la débarrassant de son caractère carcéral et ségrégationniste. Il met donc en place une unité qui prend en charge, en un même lieu, les patients français et les autochtones ensemble. Il entreprend alors d’introduire, non sans succès, des méthodes modernes de psychothérapie institutionnelle (ou social-therapy), faisant que l’hôpital cesse d’être le lieu où l’on est soigné (et enfermé) pour devenir le lieu de vie par lequel on est soigné. Il place le malade au centre de toutes les activités de l’hôpital où tout se fait dans son intérêt. Les patients recouvrent alors le droit à la parole en participant à des réunions avec les médecins et le personnel paramédical, sont associés à la vie institutionnelle de l’hôpital, font des propositions… Frantz Fanon mettra alors en pratique l’ergothérapie (thérapie par le travail), occupant les patients à des travaux de jardinage, d’élevage, de cuisine et autres ou, plus spécialement pour les femmes, des activités comme le ménage, le tricot, la couture… dans ce vaste hôpital (faisant figure de petit village qui permettait une chance de rétablissement au sein d’une petite société composée essentiellement de personnel médical, paramédical et administratif), et créant une animation qui libère et fait retrouver des repères aux malades : réunions de pavillons, création d’un journal, commission des fêtes, cinéma, imprimerie, musique, bals… S’intéressant aux effets psychiques dévastateurs de la colonisation, à la fois chez le colon et le colonisé, et qui “se présentait déjà comme grande pourvoyeuse des hôpitaux psychiatriques”, il repense la psychopathologie en fonction des repères culturels des Algériens. Se penchant sur ses malades indigènes, auxquels il accordait de l’intérêt (ce qui lui vaudra le sobriquet de “nègre prétentieux” de la part de confrères), il comprend qu’il doit adapter ses méthodes au contexte historique, culturel et social qui est le leur ; il entreprend alors, avec ses internes, une exploration des mythes et rites traditionnels de la culture algérienne. Il impulsera, ainsi, la création de lieux et d’évènements spécifiques : mosquée, café maure, célébration des fêtes musulmanes…avec un décor typique. Le journal qu’il lancera porte un sigle : celui d’une mosquée. Il chargera, par ailleurs, le chanteur de chaabi, Abderrahmane Aziz, alors infirmier à l’hôpital, des activités culturelles (concerts de chants, pièces de théâtre, ciné-club…). Parallèlement, il organise la formation du personnel avec la création d’une école d’infirmiers spécialisés en psychiatrie, ainsi que des séminaires et conférences. À son arrivée en 1967 à l’hôpital de Joinville, l’actuel Professeur en psychiatrie et médecin légiste, Bachir Ridouh, qui se situe dans la continuité de Fanon, gérant la même division, le même service avec humanité et un sens particulier de l’écoute, nous confiera : “Le personnel paramédical, alors en place, m’a tout appris” ; il cite à cet effet les surveillants-chefs Oussedik, Charef, Menacer et autres qui tenaient avec efficacité l’hôpital, à l’indépendance, nantis des méthodes de travail de Frantz Fanon.

Il rejoint le FLN
L’observation et l’implication de et dans la société algérienne auxquelles Fanon s’exerce depuis sa nomination à l’hôpital de Blida le placent du côté de la tradition de lutte contre les méfaits du colonialisme. Il est conscient que l’on ne peut humaniser dans le cadre d’une structure coloniale où tout concourt à la déshumanisation. Dès le déclenchement de la révolution algérienne, c’est tout naturellement que l’anticolonialiste qu’il est, témoin de l’oppression systématisée d’un peuple, de la destruction de ses valeurs culturelles, de ses modalités d’existence, de sa déshumanisation choisit, en accord avec sa soif d’engagement total, son camp : celui des colonisés et des peuples opprimés, attribuant à la violence pour se libérer une valeur thérapeutique. Il se rapproche peu à peu de sympathisants et militants de la cause nationale (français comme André Mandouze ou un pharmacien français de Blida assurant des détournements de médicaments, officiers de l’ALN ainsi que de membres de la direction politique du FLN, Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, notamment. Contacté par le FLN, il activera sans répit au sein de l’hôpital qui deviendra un “nid de fellagas”. L’établissement qui cache, soigne des militants et leur prodigue soins psychiatriques, corporels et chirurgicaux, devient une cible des forces répressives, qui ont décidé de frapper fort contre les soutiens européens au FLN. Fanon prend alors les devants et démissionne de son poste en décembre 56 non sans en préciser les raisons dans une lettre courageuse et percutante au gouverneur Robert Lacoste. 

Enterré à Aïn Kerma
(El-Tarf) 
Il quitte alors Blida pour Paris avec sa famille – peu après un arrêté d’expulsion est émis à son encontre – et rejoint le FLN à Tunis où il mènera une double activité psychiatrique et politique. Parallèlement, il est intégré à l’organe de presse du FLN, El-Moudjahid.
Devenu porte-parole du FLN dès juin 1957, il sera, à partir de 1959, nommé ambassadeur itinérant du Gouvernement provisoire de la République algérienne ; il multiplie les voyages et les conférences. Il échappe, durant cette période, à plusieurs attentats au Maroc et en Italie. Il entame à la même époque l’étude du Coran. Atteint d’une leucémie, il veut rejoindre le maquis, prendre les armes pour mourir en martyr ; le FLN refuse. Il se rapproche, à cette époque, du colonel Houari Boumediene et de son armée des frontières (Tunisie) constituée de paysans à qui Fanon donne des cours. Après Moscou, il est envoyé près de Washington pour se faire soigner. Il y décède le 6 décembre 1961, soit quelques mois avant l’indépendance de l’Algérie à laquelle il avait consacré l’essentiel de la gigantesque action qu’il a menée durant sa courte vie. Sa dépouille sera inhumée au cimetière des Chouhadas, près de la frontière algéro-tunisienne, dans la commune de Aïn Kerma (El-Tarf), son vœu, dans un testament écrit, ayant été d’être enterré en terre algérienne avec ses frères d’armes, les chouhadas. En hommage à son travail en psychiatrie et à son sacrifice pour la cause algérienne, l’hôpital psychiatrique de Blida porte son nom. Peu avant sa mort, ce patriote algérien venu d’ailleurs, humaniste et militant de toutes les causes justes, pour l’indépendance, la dignité humaine des peuples, celui qui fut comparé au Che, écrivit à un ami : “Nous ne sommes rien sur Terre si nous ne sommes pas d’abord les esclaves d’une cause, de la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté” ; ajoutant “… et je veux que vous sachiez que même au moment où les médecins avaient désespéré, je pensais encore, oh ! dans le brouillard, je pensais au peuple algérien, aux peuples du Tiers-Monde, et si j’ai tenu, c’est à cause d’eux”. Un grand portrait de celui qui aura marqué la population blidéenne figure à l’entrée de l’hôpital Frantz-Fanon (aujourd’hui hôpital psychiatrique et CHU), au fronton du pavillon de la direction de la structure psychiatrique.
D’autres portraits rappellent dans certains services celui qui reste présent dans les mémoires par son humanisme, son militantisme, sa générosité, sa sincérité, sa modestie, son courage, son dévouement, son ardeur au travail et “qui en a combien guéri et sauvé des balles assassines”, s’accordent à dire de nombreuses personnes âgées de Blida sur le ton du regret, du respect et de la reconnaissance. 6 décembre 1961-6 décembre 2011, des militants antillais, français, africains projettent, cette année, de commémorer le 50e anniversaire de sa disparition sur le lieu où il repose, à Aïn Kerma. Visionnaire, 50 ans après, son œuvre reste d’actualité.
Fatiha Seman

NB : Française d’origine, décédée en 1989, Josie Fanon, son épouse de nationalité algérienne et qui a partagé son combat, repose, selon son vœu, en terre algérienne, au cimetière d’El-Kettar.



 F. Seman

mardi, novembre 29, 2011

"Exhibitions" ou la fabrique des "sauvages


Le musée du Quai Branly, à Paris, consacre une exposition aux spectacles ethniques.
Exhiber, rabaisser pour mieux dominer. C'était l'objectif des spectacles ethniques très répandus au 19e et au début du 20e siècle en Occident. L'histoire des "exhibitions", c'est avant tout l'histoire d'hommes et de femmes venus d'Asie, d'Afrique et d'Amérique pour être montrés à l'Occident.
Le musée des arts premiers du Quai Branly à Paris présente, à partir de mardi, l'exposition "Exhibitions" sur cette "fabrique" des sauvages. Le leitmotiv du commissaire général et ex-footballeur, Lilian Thuram,n'est autre que de "déconstruire l'histoire". Visite guidée avec Europe1.fr.
A quelle époque ont démarré ces exhibitions ? Ces "spectacles" ont véritablement commencé en 1492 avec Christophe Colomb qui ramène des Indiens à la cour d'Espagne. Jusqu'à la fin du 18e siècle, ce sont surtout des individus "exotiques ou monstrueux". C'est entre 1850 et 1930 que les spectacles ethniques atteignent leur apogée. Un exemple : l'impresario Farini exhibe "Krao", une femme velue du Laos, présentée comme "le chaînon manquant entre le singe et l'homme".
Dans le dernier quart du 19e siècle, aucun pays occidental n'échappe à la fascination pour ces spectacles humains : Allemagne, Etats-Unis, France, Royaume-Uni. Comme Geoffroy de Saint-Hilaire, le directeur du jardin d'acclimatation, qui organisa en 1877, deux spectacles ethnologiques en présentant des Nubiens (peuple du nord Soudan) et des Esquimaux aux Parisiens.
Qui sont ces "sauvages" ? Ce sont ceux qui étaient considérés à l'époque comme des "bizarreries" de la nature (nains, obèses, géants) mais aussi les hommes de "couleur", certains issus de la traite négrière. Ils sont exposés dans des cages, exhibés dans des expositions universelles, ou transformés en "bête de foire" pour amuser les occidentaux.
Bref, des zoos humains à ciel ouvert en pleine période de la colonisation. 35.000 figurants ont été dénombrés entre 1810 et 1958. Et les spectateurs ont été extrêmement nombreux. "On évalue à 1,4 milliards le nombre de visiteurs touchés par ce phénomène d'exhibition de prétendus sauvages", explique Pascal Blanchard, l'un des commissaires scientifiques de l'exposition.
Comment est née l'exposition ? "C'est le fruit d'un travail de deux ans. On s'est replongé dans le parcours de toutes ces personnes pour leur redonner une identité. Ce ne sont plus des anonymes", précise sur Europe 1, Nanette Jacomijn Snoep, commissaire de l'exposition."Exhibitions" permet de retracer la perception de l'autre dans les pays occidentaux depuis la Renaissance. Fidèle à son combat contre les préjugés et le racisme, Lilian Thuram est commissaire général de l'exposition.
Pour l'ex-champion du monde 98, elle permet de détricoter "les préjugés" persistants. "En 1931, au jardin d'acclimatation, on a exhibé les arrières grands-parents de mon ami Christian Karambeu en les présentant comme des cannibales kanaks. Les visiteurs sont repartis chez eux en pensant que les sauvages existaient." L'objectif n'est pas de culpabiliser ces "spectateurs". "C'est normal, on a toujours été curieux. Ils ne connaissaient pas l'autre et ils le caricaturaient", explique Lilian Thuram au micro d'Europe 1.
Que peut-on voir ? Près de 600 pièces sont exposées. Peintures, sculptures, moulages sur le vivant, affiches, photographies, livres, films…ou machine à mesurer le crâne. Le tout dans un décor de théâtre. Mais toutes les pièces ne posent pas un regard méprisant sur les "spectateurs". Comme le montrent les portraits d'Indiens des plaines peints par George Catlin ou bien les Océaniens de Paul Gaugin.
Musée du Quai Branly, 37, quai branly, Paris 7e. Jusqu'au 3 juin.
AFP

lundi, novembre 28, 2011

CAMEROUN: L’ESCLAVAGE ET SES SURVIVANCES DANS LA RÉGION DES GRASSFIELDS


La région des Grassfields, qui correspond approximativement aux régions actuelles de l'Ouest, du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun, a connu une intense activité de traite. Elle est passée de l'esclavage coutumier à la traite transatlantique; après l'abolition elle a continué à pratiquer l'esclavage au sein et entre ses différentes chefferies. Les trafiquants d'esclaves sont bien connus et désignés sous le nom de kam poù (à Baham) et de tet je (à Bamendjou).

Les circuits du trafic et les modalités d'échanges héritées de la période antérieure sont demeurés longtemps en vigueur. Les opérations commerciales étaient menées à partir des principaux points de traite autour desquels se constituèrent des villages vivant des activités annexes de la traite. Malgré le ravalement progressif des pratiques esclavagistes à la clandestinité, les pistes de traite étaient presque les mêmes que celles empruntées habituellement pour le commerce et les réseaux de marchés qui reliaient les différentes chefferies. Certains de ces marchés d'esclaves avaient acquis une certaine notoriété. C'est le cas du marché de Sim Tse à Bandjoun, de Kam'na à Bayangam ou de Sim Hiala'a à Baham.

Le marché d'esclaves de Bamendjinda était également réputé dans la région. A Bangou le marché des esclaves portait le nom de Wingpou et il se trouvait en pleine brousse, dans une clairière très retirée du fait de la nécessité de cacher cette activité de plus en plus illicite. Un monument a été édifié sur le site de cet ancien marché des esclaves, avec l'aide des membres du Peace Corps américain, en mémoire des victimes. D'autres places célèbres peuvent être relevées : les villages de Banka et de Bakou dans le Haut-Nkam qui furent des lieux d'entrepôts et de transits d'esclaves en direction du Moungo; Bayangam dans le Koung-Khi avec son quartier d'esclaves de Tougwou Mpou; Kamna à Bangwa dans le Ndé, qui fut un grand marché d'esclaves de la région. Le site de Ndikinimeki, village situé dans la vallée du Mbam, fut tout aussi un ancien entrepôt et un grand marché d'approvisionnement en esclaves sur la voie terrestre entre l'Ouest et le Centre.

A Foumban où il n'existait pas de marché d'esclaves à proprement parler, il y avait plutôt des habitations qui tenaient lieu de places de ventes, Shukreu en langue bamoun, c'est-à-dire « lieu où l'on vend des personnes ». Les esclaves vivaient dans ces lieux de vente et étaient entretenus par les marchands d'esclaves. Celui qui avait besoin d'esclave pouvait s'y rendre et opérer son choix après avoir minutieusement examiner sa prise. Une fois l'affaire conclue, il rentrait avec l'objet de son achat. Ces maisons étaient ouvertes de manière permanente.

Quant aux ventes vers l'extérieur du royaume, elles étaient théoriquement l'exclusivité du roi qui s'en servait par exemple pour échanger quelques esclaves contre du sel dans la région de Bafia. Le roi s'en servait également pour se procurer des chevaux auprès des Foulbé. Mais il arrivait aussi que certains princes ou notables vendent discrètement des captifs aux étrangers (Bamileké et Foulbé). Le nombre de captifs sur les marchés variait selon la conjoncture ou les évènements politiques. L'offre augmentait à la fin d'une guerre et la baisse correspondait aux périodes de paix. Les prix suivaient également les fluctuations dans l'offre et la demande. Les Bamoun pratiquaient au départ le troc, comme presque partout ailleurs. Un esclave était échangé conte deux ou trois chèvre, une vingtaine de poulets ou des paniers de vivres (mil, patate douce, manioc…) ; par la suite avec l'introduction des cauris, le prix d'une femme variait énormément : une fille vierge coûtait 150.000 cauris alors que celle qui avait connu un homme ne valait plus que 20.000 cauris. En 1912, on a des indications sur la vente d'une fille à 9.000 cauris et un homme à 7.000. Certains vendeurs d'esclaves étaient bien connus à Foumban à l'instar des nommés Nkome du quartier Fenten, Na Ghetyu de Njintut et Shikue de Mamben. Ces derniers prélevaient des commissions de l'ordre de 10 à 20 pour cent du montant de la transaction.

En pays bamoun, les femmes du roi disposaient de servantes pour assurer l'entretien de leurs maisons ainsi que celui de leurs domaines ruraux. Lorsque l'une des femmes du roi se retrouvait enceinte, de jeunes servantes étaient chargées de la nourrir et de veiller sur elle dans sa demeure où elle passait trois mois sans sortir. Après la naissance de l'enfant, un jeune serviteur était donné à la mère si elle mettait au monde un fils, une servante si elle avait une fille. Dans le même ordre d'idées, les garçons qui devaient servir le roi étaient envoyés au palais vers 7 ou 8 ans. Une épouse royale se chargeait de les nourrir et de les soigner. Ces serviteurs étaient repartis en deux groupes dont l'un pour assurer la sécurité du palais et l'autre pour l'entretien du souverain. Il existait également cinq sociétés sécrètes réservées aux serviteurs. La plus importante étant celle dite de Mbansie. En outre, les jumeaux systématiquement réduits en esclavage assuraient la garde du cimetière et l'entretien des sanctuaires où ils devaient offrir des libations à la terre et aux génies.

Aux pays bamileké et bamoun, les esclaves étaient employés tout le long du XIXe siècle, dans le cadre des activités agricoles, domestiques, commerciales et militaires. Les esclaves étaient également recherchés pour pallier au déficit démographique de certains villages et accroître la puissance de certaines chefferies. Car pour les peuples des Grassfields, ce qui fait la force d'un clan c'est le nombre de ses membres.

Il fallait donc disposer de plusieurs épouses pour prétendre à une nombreuse progéniture qui est, en même temps une force de travail importante. Les esclaves avaient également des obligations militaires. Les multiples guerres expansionnistes auxquelles se sont livrés les peuples des Grassfields ont également nécessité l'intervention des esclaves dans les conflits. Ce qui pouvait leur valoir des présents ou même la liberté en fonction de leur bravoure au combat. L'affranchissement permettait ainsi à l'esclave d'obtenir une femme et des biens de la part du maître. Pour affranchir un esclave pour bonne conduite, le chef lui donne sa fille en mariage dans le souci de le rendre toujours redevable et de maintenir sa fidélité.

D'autres royaumes montagnards pratiquaient les guerres de capture pour se pourvoir en esclaves dans la seconde moitié du XIXe siècle. C'est le cas de Bafut, de Kom et de Nso'. Malgré l'arrêt de la traite atlantique, une autre voie s'ouvrit par le Nord, permettant aux chefferies des Grassfields d'expédier un nombre important d'esclaves vers l'Adamawa et les autres émirats issus du djihad. Cette réorientation vers l'Adamawa allait faire durer le système et le maintenir en vie pendant une bonne partie de l'occupation coloniale. Certains grands notables des chefferies centrales du plateau disposaient d'une licence de traite. Celle-ci était matérialisée par une corde dite « corde à esclaves » ou nkibu’en mankon. Cette corde était tressée en fibres végétales mélangées à des cheveux humains. Elle leur était confiée par certains fons ou chefs de clans, qui en disposaient selon un rituel consacré. Le père et la mère du négociant devaient prononcer des paroles de bénédiction sur cette corde au moment de sa remise à l'intéressé. La multiplication des enlèvements, la vente frauduleuse de voisins, de parents ou d'alliés, le brigandage et les rapts, conduisirent à l'édification de certains ouvrages pour protéger la population. C'est le cas des tranchées larges et profondes de 3 à 5 m qui entouraient les chefferies à habitat dense telles que Mankon, Nkwen et Bafanji au Nord-ouest. Dès qu'une disparition était signalée, les sorties étaient contrôlées et le village passé au peigne fin pour retrouver les victimes et arraisonner les rapteurs. Dans le pays Banyang, les pratiques esclavagistes ont survécu en s'octroyant de nouveaux itinéraires. A partir de 1820, une nouvelle route des esclaves impliquant les Bayang comme intermédiaires se développa en remplacement de l'axe qui reliait les Eastern Grassfields à Douala via Yabassi. Cette nouvelle route acheminait les esclaves du centre des Grassfields via Mamfe et aboutissait à Calabar où la traite clandestine se poursuivait. Ce fut la voie esclavagiste la plus longue et la plus animée à l'Est de la Cross-River. Elle transforma la région de Mamfe dans son ensemble en vaste entrepôt d'esclaves en transit. Situés au centre de cet entrepôt et contrôlant ses principales issues à l'entrée comme à la sortie, les Banyang sont devenus des intermédiaires incontournables. Jusqu'au début du XIXe siècle, il y avait une importante demande en esclaves mâles adultes, petits garçons et jeunes filles dans la basse Cross-River; celle-ci était satisfaite à partir du centre des Grassfields. Ce rôle d'intermédiaire fut mis à mal lorsque les trafiquants d'esclaves originaires de Calabar commencèrent à venir s'approvisionner directement à Mamfe auprès des fournisseurs locaux.

Le pays Banyang disposait d'une organisation bien structurée dans l'exercice de leurs activités de traite des esclaves. Il existait de grands marchés d'esclaves tels que Ebuensuk, Tali et Kembong où les trafiquants en provenance de la basse Cross-River achetaient les esclaves auprès des Banyang. Il existait d'autres marchés à Widikum du côté de la limite Mamfe-Bamenda et à Lekeng à la frontière Mamfe-Dschang qui fournissaient aux trafiquants originaires de Mamfe la majeure partie de leurs esclaves.

L'occupation coloniale, loin d'arrêter le trafic, conduisit à des réadaptations dans les pratiques esclavagistes en pays Banyang : 
When the colonial authorities attacked slave-dealing in Cameroon in the late nineteenth and early twentieth centuries, the Banyang modified the organization of their business to suit the circumstances. The old and well known slave routes and centres were abandoned, except the Kembong centre which continued to handle slaves on a small scale in order to avoid notice. A new route was created which passed through Ngonu and Ambasi down the Mifi Valley to Anyang country and then to Kembong centre. Sometimes, twelve to thirty pieces of cloth (whose dimensions and nature we do not know) and a gun were passed over from village to village to Bangwa and Bali and a slave was passed down in return. In other instances, the slave dealers from the Grassfields disguised their slaves as carriers on a trade mission and sold them to their customers to the west and south. When it was difficult for the Manyang to acquire the desired slave by purchase, he kidnapped him from the neighbouring Bangwa, Mbo, or Mundani area.

Ces efforts de résistance à l'abolition et de réadaptation à la colonisation peuvent conduire à la conclusion que les Banyang, tout comme les autres groupes impliqués dans la traite des esclaves, en tiraient de profits substantiels. Mais en l'état actuel des connaissances, il est difficile d'évaluer les bénéfices engrangés. Tout ce qu'on sait c'est que même avec la généralisation de l'administration coloniale, les Banyang, loin d'abandonner l'esclavage, décidèrent de cacher leurs esclaves dans les enclaves forestières éloignées des principales routes :
Colonial interference thus led to the complete segregation of slaves and the emergence of slave villages. These slave villages or settlements included Kesem Mbinjong, Kesem Mbatop, Centre Fotabe, Kesem Nchemba, Okoyong, Kesem Talinchang, and Kesem Akagbe were respectively named after Ebeaga, Tali, and Bechuakagbe, the villages of the slave owners. Others, such as Kesem Mbinjong and Kesem Mfombenyong (both in Tali 1) and Kesem Tata Biantung were respectively named after Mbinjong, Mfombenyong, and Tata Biantung, the persons who owned the overwhelming majority of slaves in them.

Chez les Banso (sing. Nsó), un peuple voisin des Banyang, l'acquisition des esclaves au XIXe siècle était motivée par le souci de reconstruire leurs capacités productives et reproductives après les ravages de la traite atlantique, la recherche de prestige et de stature sociale en disposant d'une nombreuse clientèle et également le désir de s'engager dans la traite consécutive aux raids foulbé en provenance des lamidats septentrionaux. La création de ces nouvelles entités à partir du début du XIXe siècle a induit une nouvelle demande en esclaves; et pour la satisfaire des attaques se sont multipliées dans le but de prélever des esclaves qui sont vendus à leurs intermédiaires. Les localités telles que Way Ta près de Kitiiwum, Way Reevey à Menfu, Way Ngoylum près de Kikaykela'ki, Way Kimbó et Way Viná à Kikaykom jouèrent ainsi un rôle actif dans la traite des esclaves.

Chez les Kom et Bafut, en dehors de leur usage local au XIXe siècle, les esclaves furent un élément important du commerce au plan régional et local. Il existait des marchés proches où il était facile de se procurer des esclaves. Ces centres de traite étaient localisés à Nsó, Ndu et Bali-Nyonga. Un autre marché, celui de Ndop, ravitaillait particulièrement le pays bamileké. A partir du pays Nsó, les centres tels que Bamessi, Bali-Kumbat, Bafawchu, Bafut, Oku, Baba, Bum, Kom, Mankon, Nkwen, Babungo et d'autres marchés frontaliers tels que Donga, Takum, Wukari, Foumban et Banyo, satisfaisaient la demande locale. Les dispositifs intégraient les marchés de Way Ta et de Kikaykela'ki et les reliaient à Kontcha, Banyo et Tibati, dans le but de leur permettre de satisfaire à leur tour les exigences en tributs humains de l'empire de Sokoto. Dans le Bamenda précolonial, les réseaux d'échanges marchands entre le Nigeria et le Cameroun ont charrié un nombre considérable d'esclaves particulièrement appréciés. Les traitants nigérians apportaient à leurs partenaires commerciaux camerounais du plateau de Bamenda, des produits tels que le sel, les fusils, les étoffes et les barres de laiton en échange des esclaves. 

Le réseau mis en place à partir du plateau de Bamenda alimentait toutes les chefferies voisines et s'étendait sur de longues distances : In Nso’ there was a two way trade with the surrounding chiefdoms. Slaves were obtained in Bamum and sold in the direction of Bum. Bali-Nyonga disposed of its slaves in Widekum, Bangwa and in the northern Banyang markets. Slaves reached Kumba via Ikiliwindi markets. Slaves sold in Bum markets were obtained from places like Nkwen, Bali, Baba and Babungo, and these eventually reached the northern markets in Takum, Ibi, Wukari and Yola. The Nsungli centres which were largely controlled by Nso’ dealers supplied slaves that were channeled down to Bamum, Babungo, Bamessi and eventually reached the Bamileke centres… Most of the dealers were chiefs (the foyn and the tributary chiefs), princes, wealthy notables, great warriors and clan heads… One of the most notorious slave-dealer was a potential heir by nama Bobe Akoni whose slave-dealings continued to the 1920s and was often on the run because of the modern forces of law and order105.

Plusieurs itinéraires majeurs se dégagent de cet enchevêtrement de routes qui ont existé pendant la période de traite atlantique et qui ont survécu longtemps après l'abolition. L'interconnexion régionale faisait que tous les grands centres participaient à cette intense activité de traite : 
The two northern routes that channelled slaves, kola and ivory to the Benue and Banyo markets were first the route which ran from Bali through Kom to Bum and finally to Takum, Wukari and Ibi. The second route which left the Ndop chiefdoms through Kumbo linked the Nkambe markets (Ntem, Ndu, Donga) to Banyo and Koncha markets. The only southern route which ran from Bali through the Mamfe centres finally reach the coast at Calabar. The Bamileke chiefdoms were not isolated from the general trade pattern in the Western Grassfields. Some of the volume of slave trade was pumped through Bagam, Foumban, and Bangante to the coast in Douala. Kom was linked to this network. Evidently the Western Grassfields constituted the main source of labour for both the southern oil producing villages in Widekum and Mamfe where a different view of slave gave rise to slave villages. The slaves were exchanged for oil, beads, brass rods, guns and gun powder coming up from Calabar or from the Cross River area. It must be noted that at the close of the 19th century most slaves from the Western Grassfields were being sent down to the Cross River or even further south as labour to work on the oil plantations of the southern forest zone.

Bali se présente ainsi au nœud de plusieurs axes dont les plus importants sont : Bali-Kom-Bum-Takum-Wukari-Ibi ; Bali-Mamfe-Calabar ; Bali-Cross River; à ces routes on peut ajouter les axes Foumban-Bagam-Bangangte-Douala et Ndop-Kumbo-Nkambe (Ntem-Ndu-Donga)-Banyo-Kontcha dans l'Adamaoua. Foumban, la capitale du pays bamoun, se trouve elle-même à la frontière entre la  région des Grassfields et les lamidats de l'Adamaoua qui se développèrent tout au long du XIXe siècle et produisirent une importante quantité d'esclaves à destination de l'empire de Sokoto. Cette position lui conféra un rôle de pivot entre le Sud et le Nord du pays.

Source: ÉTUDE DE FAISABILITÉ DU PROJET DE TOURISME CULTUREL « LA ROUTE DE L’ESCLAVE » Auteur: Prof. Séhou Ahmadou, Enseignant-Chercheur à l'Université de Yaoundé I Cameroun, Spécialiste de l’esclavage et de la traite négrière.
N.B.: La demande de publier cet extrait a été faite par le Pan. African Cultural Center (PACC), pour plus d'informations nous contacter.

http://www.pplawr.org/
La suite avec : L’esclavage et ses survivances sur la côte camerounaise

dimanche, novembre 27, 2011

Conférence de Runoko Rashidi: L'histoire des Noirs européens avant l'esclavage

Runoko Rashidi sur l'importance de l'histoire : " ...Ce que vous pensez de vous dépend de ce que vous savez de vous et ce que vous savez de vous dépend ce qu'on vous a appris...Si vous ne connaissez pas votre passé, votre avenir sera compromis!..."

A l'occasion de son bref séjour parisien et après le succès de la rencontre-dédicace du samedi 26 novembre au Comptoir des Editions DAGAN à la Librairie Rutebeuf, le célèbre historien américain RUNOKO RASHIDI fera une conférence spéciale sur l'histoire des Noirs en Europe avant l'esclavage. Un thème qui tient beaucoup à cœur à l'historien qui parlera des contributions marquantes des Africains aux pays européens.

Un grand moment d'histoire en perspective!

Lieu du RDV
Salle du Forum Social Ivry
Métro Mairie d'Ivry ou RER C Station Ivry sur Seine

vendredi, novembre 25, 2011

Le Checo

Le Checo, un instrument de musique typique et unique créé par les noirs du Pérou lorsque les colons-(19ème siècle) esclavagistes leur interdirent de jouer au tambour et à tout autre instrument musical d'origine africaine. Ils ont créé un autre instrument de musique original et unique lui aussi, le Cajon, qui est né aussi suite à la même interdiction indiquée plus haut. Les 2 instruments se jouent comme le tambour...


LA CIRCONCISION ET LE RETOUR VÉRITABLE.




D’un point de vue chirurgical, la circoncision chez l’homme consiste à l’ablation du prépuce. Cette opération ne touche pas et n’altère en rien le gland du pénis et ne constitue pas par conséquent une mutilation de l’organe sexuel de l’homme.

LA CIRCONCISION DES FEMMES ne doit en rien être confondue avec L’EXCISION.

En effet, la circoncision féminine n’implique aucune mutilation ou ablation ni du clitoris ni des lèvres ou autres parties du sexe féminin. La circoncision féminine consiste donc à dégager le gland du clitoris de son capuchon ou prépuce clitoridien sans altérer ou diminuer la sensibilité de cet organe érogène chez la femme.

La Circoncision de l’homme et de la femme est une PRATIQUE INITIATIQUE EN NUBI (Afrique Noire) et remonte aux origines de la civilisation Kamito-Nubienne comme cela est attesté dans l’antiquité aussi bien dans les textes de l’Egypte pharaonique que dans les témoignages des récits grecs, par exemple.

Tout en signalant que la pratique de la circoncision féminine est ignorée aujourd’hui chez bon nombre de Peuples Autochtones de la Nubi Continentale, la circoncision masculine en revanche est aujourd'hui, un trait caractéristique de la civilisation Kamito-Nubienne au point où on peut affirmer qu’un Nubien qui n’est pas circoncis, n’est pas intégré dans sa communauté et est considéré comme un étranger dans celle-ci.

Tout en laissant dans un premier temps ouvert le débat sur la pratique ou non de la circoncision féminine au sein de la communauté des Candidats au Retour, il est indéniable qu’en ce qui concerne la circoncision de l’homme, le recours à cette pratique initiatique est incontournable dans la Nation du Retour et constitue un des signes les plus puissants attestant du Retour effectif de la Diaspora Victime de la déportation, sur sa Terre Ancestrale.

Seku Mâga

samedi, novembre 12, 2011

Pyramides à degré à Nsude

Pyramides à degré à Nsude chez les Igbo au Nigéria/Degree pyramids of Nigeria, Nsude

Carte des mines d'or de Kush





La première carte dans l'histoire de l'humanité datant de 1100 av. J.c. la topographie et la cartographie sont nées avec cette carte. La méthode des itinéraires et la méthode de projection d'un relief sur un plan y sont employées pour la première fois.

/Map of Kush Gold mine, first map 1100 BC


Le temple de la lune à Yeha



Le temple de la lune à Yeha est la plus vieille structure encore debout d'Éthiopie. Il date du VIIIe siècle av.J-C et il est construit sans mortier. The moon temple, Yeha, Ethiopia. Temple of the 8th century BC.

Wild Men and Moors



Une partie d'une tapisserie allemande du 14e siècle montrant un château attaqué qui est habité par un roi et une reine de type africain et défendu par des personnes également de type africain. (titre: Wild Men and Moors <-> Hommes sauvages et les Maures, Museum of Fine Arts, Boston/14th century german tapestry)

black man in central asia 15th century

black man in central asia 15th century
 

Les Sumr (palestiniens noirs)


La plupart des palestiniens noirs sont désignés par leurs compatriotes non-noirs par le mot "abed" (qui signifie littéralement « esclave »). Ce terme est évidemment péjoratif, stigmatisant et réducteur car les Sumr ne sont pas tous descendants d'esclaves. La majorité des Palestiniens noirs évitent le terme  abed, et se désignent plutôt par le terme "sumr" (qui signifie "peau noire" dans le langage palestinien). Les palestiniens n'ayant pas d'origines africaines se désignent comme blancs, mais uniquement pour se différencier des Palestiniens noirs d'origine Africaine.

La particularité des Sumr est que la majorité d'entre eux ne s'identifient pas à des Africains car ils ne connaissent pas leurs origines exactes. 

Pour les Sumr, la fierté nationale qui accompagne une forte identité palestinienne implique le rejet de leur identité africaine. De plus, l'Afrique noire qui est vue par les Palestiniens à la télévision, est perçue comme une région vaste et lointaine, rongée par la famine et l'extrême pauvreté. Le peu d'information écrite sur la migration la plus récente des Sumr dont les origines sont connues indique qu'ils sont venus à Jérusalem comme pèlerins ou travailleurs pendant le mandat 
britannique sur la Palestine (1917-1948). Ils sont venus surtout du  Sénégal, du Tchad, du Nigeria et du Soudan. 

Certains d'entres eux sont arrivés comme membres de « l'Armée du Salut », dont le but était de libérer les régions dominées par les Israëliens. Leur contribution à la résistance contre Israël est largement reconnue par le reste de la population. Après la défaite de cette armée, et sa retraite en Egypte, quelques uns d'entres eux sont rentrés dans leur pays d'origine, alors que d'autres ont préféré rester en Palestine. Leurs descendants directs forment une partie de la communauté des Sumr. 

La majorité des Sumr eux sont des descendants d'esclaves ramenés dans la region à l'époque du régime ottoman voire bien avant. 

La politique esclavagiste de l'époque avait un système social et politique à trois étages. Les sheikhs des bédouin originel de la région de Samran.
 

Les hamran, des familles à l'origine felaheen " fermiers 
paysans" qui avaient besoin de protection et/ou de terres des familles Samran. Les abeds, esclaves noirs étaient à la base de la structure sociopolitique et n'avaient pas les mêmes droits et le même statut que les personnes libres. Certains enfants noirs, esclaves étaient éduqués avec les autres enfants libres de la famille. Lorsque les enfants avaient grandi, leur maîtres arrangeaient leur mariage. Les Sumr ne pouvaient pas épouser des Blancs, même si ceux-ci étaient aussi esclaves. Comme il y avait peu de noirs, les mariages signifiaient souvent pour la fille qu'elle devait quitter la maison de la famille de son maître. Le début de l'ère britannique en Palestine sonnait la fin de l'esclavage, les sumr encore esclaves pouvaient choisir de tenter leur chance et devenir libres, ou alors rester attachés à la famille du maître qui leur arrangeait alors un mariage. 

Dans la société palestinienne actuelle, une grande partie des Sumr vivent dans la précarité et sont socialement désavantagés par rapport aux autres palestiniens (rares sont les Sumr ayant eu l'opportunité de se hisser au rang de leader en Palestine). L'histoire de ce peuple est également en perdition car la plupart des jeunes ne connaissent rien ou peu de leur histoire par manque d'information et manque de volonté des aînés à vouloir la transmettre.

Les Négritos








Les Négritos sont une population noire de petite taille vivant en Asie du sud-est. Ces populations sont regroupées en trois zones
géographiques: les Philippines, les îles Andaman et la péninsule malaisienne
(partagée entre la Malaisie,
la Thaïlande, l'Indonésie et la Birmanie).

Les Négritos sont supposés être les descendants directs des premiers humains modernes arrivés dans cette région d'Asie, il y a 50 000 à 70
000 ans. « Négritos » est la forme abrégée de l'espagnol Negro qui signifie "petit noir". Ce sont les premiers visiteurs espagnols aux Philippines qui ont appelé ainsi ces populations, pensant qu'elles venaient
d'Afrique en raison de leur morphologie.

De taille similaire avec les Pygmées, les Négritos font partie des peuples les plus petits et les moins nombreux et restent les moins connus de la planète
(leur culture, langue, coutumes restent un mystère pour le reste du monde). Malgré leur apparence similaire avec les Pygmées (noire, cheveux crépus, petite taille), les analyses génétiques des Négritos faites par les rares biologistes à avoir
réussi à les approcher, démontre une parenté très lointaine entre les Pygmées et eux qui implique la migration de différentes ethnies d'origine africaine
vers l'Asie à cette période.

Les Négritos sont subdivisés en
plusieurs tribus :

Les Sentinele (Indonésie:
entre 50 et 200 individus) considérés comme le peuple le plus isolé du monde, refusant obstinément tout contact avec l'homme moderne.

Les Jarawas (enfants Jarawas en image ci-dessus) (îles Andaman: environ 800 aujourd'hui, 8000 avant
la colonisation britannique). Leurs plus proches cousins sont les Bochimans du
désert du Kalahari (Afrique du Sud-Ouest) : Ce seraient donc les descendants directs des premiers peuples à avoir quitté l'Afrique. Ils sont hostiles à la
modernité et vivent dans un isolement précaire car ils sont menacés par des compagnies forestières.

Les Grands Andamanais (environ 40 aujourd'hui, contre 5000 avant la colonisation). C'est le plus petit peuple (en nombre) au monde. Il est en grande dépendance vis à vis du gouvernement indien pour sa survie.

Les Onges (environ100 aujourd'hui, contre 400 au début du 20ème siècle soit une baisse de 85% de
la population en un siècle). Ils sont eux aussi très dépendants du gouvernement.