jeudi, avril 28, 2011

Colloque devise républicaine et Outre-Mer (le 29 avril au Sénat)


Pierre LISE président du cercle des originaires de l'Outre-Mer répond à un  questionnaire  proposé par Tony  MARDAYE

I. – Pourquoi organiser un colloque ayant pour thème «Outre-mer et devise républicaine»?

L'un des objectifs premier de l'association est de faire évoluer le regard porté sur les ressortissants de l'outre-mer en fournissant la démonstration, par des exemples concrets rendus publics et diffusés avec l’Annuaire des personnalités ultramarines en métropole, qu'ils ne sont pas assignés de toute éternité à des rôles accessoires et subalternes au sein de notre société.

Cependant la présence, dans maints domaines, d'ultramarins à des fonctions de responsabilité ne doit pas occulter un autre constat: leur nombre demeure limité, leur progression étant entravée par des freins qu'il faut s'attacher à lever.

Ainsi, notamment dans la fonction publique, des  plafonds de verre restent-ils à briser. Il s'agit là du deuxième axe d'action que se donne l'association.

Pour agir, il nous a semblé pertinent  de nous interroger préalablement sur les raisons qui font que pareille situation perdure alors même que «La République reconnaît au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité».

En quoi la devise républicaine est-elle défaillante? Pourquoi l’idéal n’est pas atteint ?

L’Outre-mer et les ultramarins sont-ils institutionnellement placés dans une situation similaire au regard des trois piliers de la devise?

Leur spécificité, notamment géographique, est-elle intégrée dans les dispositifs élaborés pour assurer précisément un traitement équivalent?

Si l’on peut supposer que les libertés publiques fondamentales sont assurées de la même façon, qu’en est-il de la liberté d’entreprendre, de progresser  à travers ses études et  sur le plan professionnel.

Par quels moyens l’égalité est-elle assurée ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour rendre effective l’égalité des chances ?

Quant à la fraternité, y a-t-il des processus mis en œuvre pour la faire exister et vivre pleinement? La métropole entretient-elle avec ses outre-mer des relations privilégiées d’échanges qui conduisent à se fréquenter, à mieux se connaître, s’apprécier? Favorise t-on concrètement et réellement  la reconnaissance d’une égale dignité et non pas de simples, très insuffisantes et même  perverses, bienveillance ou  tolérance ?

Il y a donc matière à conduire une première approche qui consiste à identifier ce qui est prévu dans ces directions par l’arsenal juridique, institutionnel et administratif et à analyser la pertinence de ces constructions.

Puis, à la suite d’Alexis de Tocqueville qui voyait sa patrie comme «un pays où les règles de droit sont rigides et leur application molle», il faut examiner l’application qui est faite de ces principes, leur effectivité.

Au-delà, il  restera  à imaginer  comment refaire de la devise le sésame d’une société fraternelle, équitable et libre.

II.- Sur quoi portera concrètement la discussion?

La devise a connu maints avatars, invoquée pour la première fois sous la Révolution française, rejetée, réadmise en 1848, boudée sous le Second Empire, réinscrite sur les frontons des édifices publics pour la célébration du 14 juillet 1880, elle figure dans les constitutions des 27 octobre 1946 et 4 octobre 1958.

À l’égard de l’outre-mer, c’est par un amendement n° 188, au début du texte proposé pour l’article 72-3  de la Constitution (dans sa révision du 28 mars 2003), qu’a été inséré l’alinéa premier suivant: «La République reconnaît au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité».

Le colloque vise donc  à se demander: pourquoi la nécessité de cette affirmation? Pourquoi si tard? Pourquoi seulement comme un idéal?
Il s’agira  ainsi d’analyser les points suivants:
  • Pour chacun des trois piliers de la devise, quel est l’état du droit positif dans les relations des outre-mer et de la métropole?

  •  Quel est l’impact sur la réalité, le vécu, le ressenti  des ultramarins et des métropolitains?

  • Comment progresser concrètement  dans l’atteinte des objectifs portés par la devise?

III.- Comment s’organisera la journée du colloque?

Cette journée, 29 avril 2011, est un temps fort de la vie de notre jeune association et est marquée en fait par deux manifestations.

D’abord, cette journée consacrée au colloque proprement dit se déroulant de 9 heures  à 17 heures. Puis, à partir de 18 heures, sera officialisée la parution de l’Annuaire des personnalités ultramarines résidant en métropole.

En premier lieu, le programme du colloque comporte l’examen de chacun des termes de notre devise ternairePour chacun de ces piliers, trois exposés déclineront les éléments que pose le concept appliqué à l’outre-mer.

Dans la matinée, après l’allocution de bienvenue de M. Serge LARCHER, suivie de la présentation du colloque par Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN et moi-même, la première intervention, intitulée «L’outre-mer dans la République», sera celle de M. Bernard STIRN, Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, qui nous fait l’honneur de sa parfaite maîtrise juridique du sujet.

Suivront alors autour du thème de la liberté les analyses sur «De la libération à la liberté», «La conquête des libertés», «Les libertés fondamentales au cœur du pacte républicain». Cette matinée s’achèvera par un déjeuner-buffet, salle René Coty, qui permettra des contacts et échanges conviviaux.

À 14 heures, lors de la reprise des travaux, le second volet, celui de l’égalité, permettra d’approfondir les problématiques liées, d’abord aux discriminations résiduelles, puis aux discriminations positives, enfin à la différenciation statutaire.

À 15h 30, pause et débat ayant eu lieu, le dernier triptyque, celui de la fraternité, conduira à s’interroger sur «L’éducation, ciment de la fraternité», ensuite sur «Quels chemins pour la fraternité?», puis sur «L’exigence de solidarité nationale».
Après la discussion avec la salle, un rapport de synthèse sera présenté à l’auditoire.

La journée ne sera  pas pour autant achevée. Elle se poursuivra au Ministère chargé de l’outre-mer, rue Oudinot.

En effet, sous la présidence de Mme Marie-Luce PENCHARD, ministre chargée de l’outre-mer, se déroulera à 18 heures, salles Léon Delgrès de l’hôtel ministériel, une cérémonie dédiée à la parution de la première édition de l’Annuaire des personnalités ultramarines en métropole. Ce support bénéficie d’une Préface de Madame la ministre.

Cet ouvrage, qui  comporte 160 biographies, constitue  la mise en œuvre d’une très ancienne idée, vieille de plus de 40 ans. Sa concrétisation est étroitement liée à la vocation de l’association qui est de promouvoir l'image des ultramarins et  d’en faciliter les parcours professionnels.

IV.- Quels sont les bénéfices et les retombées escomptées ou espérées de ce colloque?

Tout d’abord, pour les organisateurs et les intervenants, nous espérons une participation avec un public contribuant par les questions à un échange fructueux. La réalisation et la diffusion des actes du colloque constitueront un prolongement recherché. Le relais médiatique des problématiques soulevées  est aussi espéré.

Ensuite, par la qualité des analyses faites, il s’agit, dans le cadre de 2011 année des outre-mer français et par delà, d’œuvrer pour la reconnaissance de l’existence de responsables, de professionnels, d’experts, de jeunes talents contribuant  à la richesse du pays.

Enfin, à l’instar de la poursuite des travaux de la Mission d’information commune sur la situation des D.O.M, du suivi de la mise en œuvre des mesures décidées lors du premier CIOM du 6 décembre 2009, les conclusions du colloque seront prises en compte dans les réflexions conduites par les commissions mises en place au sein du Cercle pour l’excellence des originaires d’Outre-Mer. Elles doivent aboutir à des propositions concrètes qui seront transmises aux autorités ministérielles et aux parlementaires s’intéressant à l’outre-mer.

Très concrètement, les pistes de réflexions qui auront émergées viendront préparer et alimenter le colloque prévu par le Cercle en fin d’année sur le thème «Outre-mer et ascenseur social».

Cercle pour l'excellence des originaires
de l'Outre-Mer

Colloque 29 04 2011 Programme p. 1 & 4                                                                                            

Colloque 29 04 2011 Programme p. 2 & 3                                                                                            

mercredi, avril 27, 2011

Cérémonie du 163e anniversaire de l’abolition de l’esclavage

Hervé Chevreau Maire d’Épinay-sur-Seine,  conseiller général de la Seine-Saint-Denis et  Jocelyn Obertan, conseiller municipal vous prient de bien vouloir honorer de votre présence la cérémonie du 163e anniversaire de l’abolition de l’esclavage le mardi 10 mai 2011,  à 18 h au square Victor Schoelcher, à l’angle de la rue Alfred de Musset et de l’avenue de Lattre-de-Tassigny, Épinay sur Seine. 

La cérémonie sera suivie d’un cocktail, Le service d’accompagnement des personnes âgées et handicapées sera à disposition des personnes qui le désirent, nous vous remercions de bien vouloir téléphoner au 01 49 71 99 33.

Renseignements au 01 49 71 98 27.

La Cérémonie du 8 Mai en Hommage aux anciens combattants

La Délégation Générale à l’Outre Mer
organise comme chaque année

 La Cérémonie du 8 Mai en Hommage aux anciens combattants

Le Dimanche 8 mai 2011
Esplanade des Villes Compagnon de la Libération
Face au 38 quai Henry IV

A 11h30

mardi, avril 26, 2011

A l'occasion de la commémoration de l'abolition de l'esclavage

Lundi 2 mai 2011
à 20 heures
Paris, théâtre Marigny

(grande salle Marigny) carré Marigny, 75 008 Paris, métro Champs-Élysées Clémenceau ou Concorde. Bus 28, 32, 42, 73, 80, 93.
Exceptionnelle soirée de gala
en présence de nombreuses personnalités
Concert-projection en avant-première du film de
Claude Ribbe
Le chevalier de Saint-George
(d’après son ouvrage Mémoires du chevalier de Saint-George).


avec l’orchestre du chevalier de Saint-George qui jouera des extraits de la bande originale réunissant les plus belles musiques de Saint-George (disponible sur CD).
Solistes : Hugues Borsarello, Romain Sénac, violon. Emmanuel Blanc, alto. Clavecin (copie du grand clavecin Ruckers de Versailles, 1628) : Marie Van Rhijn.
Avec le soutien de la mairie de Paris.


Mardi 10 mai 2011
à 18 heures
Paris, place du général-Catroux

17e arrondissement, métro Malesherbes.
Devant le monument au général Dumas (fers brisés)

rassemblement solennel des descendants d’esclaves et des victimes de la traite
dépôt de gerbes,
honneurs militaires au général Dumas et au colonel Saint-George, en présence des autorités officielles,
suivis d’un pique nique offert par les associations et d’un

hommage au chevalier de Saint-George

dans le grand amphithéâtre du Centre universitaire Malesherbes.
Cocktail.
Avec le soutien de la mairie de Paris et de l’Université de Paris IV-Sorbonne

Le Sénégal commémore la traite négrière, une première en Afrique


Le Sénégal organise ce mardi la première commémoration de la traite négrière en Afrique pour «réinstaurer la mémoire» sur le continent, a-t-on appris vendredi auprès des organisateurs, un an après l'adoption par le gouvernement sénégalais d'une loi criminalisant l'esclavage.
«C'est la première fois qu'on commémore en Afrique la traite négrière. L'Afrique a été absente. Elle n'a pas pensé à nommer le crime», a déclaré à la presse, Karfa Diallo, président de la Fondation du mémorial de la traite des Noirs, basée à Bordeaux, un des ports français ayant participé à l'esclavage.

Jet de fleurs dans l’océan

«Nous voulons réinstaurer la mémoire en Afrique. La manifestation du 27 avril s'appelle l'Atlantique noir, le tombeau du crime», a dit Karfa Diallo, en référence à la traversée de l'Atlantique par les bateaux négriers venus d'Europe et se rendant en Amérique, via l'Afrique, où étaient embarqués les esclaves.
La Fondation du mémorial de la traite vise à «faire de la mémoire» sur l'esclavage «une ressource citoyenne pour l'intégration, l'épanouissement en Afrique et la fraternité» entre les races, a-t-il ajouté.
La manifestation de mardi prévoit, depuis le bateau reliant Dakar à l'île de Gorée, un jet de fleurs dans l'océan en mémoire des victimes de la traite.

Une loi criminalise la traite négrière

Face à Dakar, l'île de Gorée et sa célèbre «Maison des esclaves» sont inscrites depuis 1978 sur la liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). Elle constitue un des symboles de la traite des Noirs.
La manifestation est organisée en collaboration avec le gouvernement sénégalais.
Le Sénégal a adopté en mars 2010 une loi criminalisant la traite négrière, faisant de cette ancienne colonie française le premier pays africain à se doter d'une telle législation, inspirée de la loi votée le 10 mai 2001 en France à l'initiative de la députée d'origine guyanaise Christiane Taubira-Delannon.
Près de 140.000 soldats américains et de l'Otan soutiennent le fragile gouvernement de Kaboul face à la rébellion menée par les talibans et leurs alliés d'Al-Qaida, qui a gagné du terrain ces dernières années.

AFP

vendredi, avril 22, 2011

« La lutte incessante des esclaves pour leur liberté a contribué à l’extension des idéaux de la démocratie »

Le 10 mai prochain, la Journée nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions marquera également le 10ème anniversaire du vote à l’unanimité de la loi reconnaissant l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, Françoise Vergès revient sur les progrès accomplis dans la connaissance de cette période de l’Histoire au cours des 10 dernières années, et sur les obstacles qu’il reste à surmonter pour que tout ce passé puisse être regardé en face. Dans la première partie de cette interview, Françoise Vergès évoque notamment les héritages de l’esclavage.



Gravure de 1848 sur l’esclavage intitulée “(Traversée) danse des Nègres” au Musée des ducs de Bretagne. Depuis dix ans, de nombreux progrès ont été accomplis dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la valorisation des patrimoines. Entre autres l’ouverture de salles dédiées à l’histoire de l’esclavage dans certains musées de (...)
Françoise Vergès, vous êtes membre fondatrice du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage qui a proposé au chef de l’État le choix du 10 mai comme date de la Journée de la mémoire de l’esclavage, de la traite négrière et de leurs abolitions. Quelle était la démarche qui a abouti à cette proposition ?

- Tout d’abord, une précision importante et nécessaire : on oublie souvent que la création du comité est l’application d’un des articles de la loi du 21 mai 2001, dite Loi Taubira. Je n’en suis pas fondatrice. J’ai été vice-présidente du Comité pour la mémoire de l’esclavage alors que Maryse Condé en était la présidente de 2004 à 2008, puis présidente quand Maryse a démissionné.
Installés en 2004, nous étions nommés pour cinq ans, douze personnes travaillant bénévolement, venus d’horizons divers, associations, recherche, éducation… (Je souligne bénévolement vu que la malveillance habituelle de certains à La Réunion en fait un poste rémunéré. C’est parce qu’ils sont incapables de penser que l’on puisse agir pour l’intérêt général, ils ne connaissent que l’intérêt personnel)
En 2009, à la fin des cinq ans, le gouvernement a souhaité prolonger la mission du comité, et ce, pour trois ans et, à notre demande, a ajouté « pour l’histoire », nous sommes donc le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage. Certains membres ont été gardés, de nouveaux sont arrivés.
Pour revenir à votre question, la Loi Taubira demandait qu’une date nationale des mémoires de la traite négrière et de l’esclavage soit choisie. Nous avons consulté et réfléchi. Notre choix s’explique ainsi :

- Nous voulions une date qui parle à tous : donc qui ne soit liée à aucun événement historique lié à une mémoire particulière (fin de l’esclavage sur tel territoire, début de telle révolte), ni à un territoire particulier (Haïti, Martinique, Guadeloupe…). Une date qui concerne Mahorais, Martiniquais, Guyanais, Guadeloupéens, Réunionnais et dans l’hexagone, tous les groupes, Africains, Comoriens, hexagonaux…

- Le 10 mai est la date du vote de la loi, à l’unanimité, je le rappelle, donc un geste citoyen. Les élus du peuple votent cette loi, c’est un geste politique et citoyen.
- La notion de « crime contre l’humanité » dans la loi permettait de relier cette journée à toute la réflexion sur le crime contre l’humanité qui est l’objet de tant de débats depuis la deuxième partie du 20ème siècle.
Certaines associations se sont opposées à ce choix, voulant que la date choisie soit le 23 mai, en souvenir de la grande manifestation qui en 1998 avait réuni entre 40.000 et 50.000 personnes à Paris. Cette manifestation était une protestation contre la manière dont le commissariat du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage avait conçu cette année, approche qui pouvait se résumer au slogan qu’il avait mis sur de grandes affiches dans toutes les villes de France : « Tous nés en 1848 ». C’était encore donner le beau rôle à la France. J’ai participé à cette manifestation, mais j’ai pensé que cette date ne répondait pas à ce que la loi demandait : une date nationale, tous les citoyens se penchent sur une histoire qu’ils partagent tous, qu’ils soient descendants ou pas de cette histoire.
Je comprends cependant la position de ceux qui défendaient le 23 mai. Les dates s’additionnent, voilà ma position. Chacune a son rôle, sa fonction. Au CPMHE, nous disons qu’il est tout à fait logique que la France dispose de plusieurs dates commémorant cette histoire, expression de sa durée dans le temps (plusieurs siècles) et de sa configuration multiple (sur plusieurs continents). Mais il fallait une date nationale, car ces siècles appartiennent à l’histoire de la France. La France doit se demander comment et pourquoi elle est devenue une grande puissance esclavagiste, qu’elle a connu deux abolitions de l’esclavage, comment elle a justifié de participer activement, de s’enrichir grâce à ce commerce et ce système.
Le 10 mai est la Journée nationale des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions (décret 2006).
Dans l’hexagone, le 23 mai est la Journée dans l’hexagone à la mémoire des victimes de l’esclavage, en référence à la manifestation de 1998.
Et depuis 1983, un décret a institué un jour férié :

- le 27 avril, célébration de l’abolition de l’esclavage à Mayotte ;

- le 22 mai, célébration de l’abolition de l’esclavage en Martinique ;

- le 27 mai, célébration de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe ;

- le 10 juin, célébration de l’abolition de l’esclavage en Guyane ;

- le 20 décembre, célébration de l’abolition de l’esclavage à La Réunion.
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Depuis 1983, Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion ont obtenu un jour férié dédié à la célébration de l’abolition de l’esclavage dans chacun de ces pays, dont le 20 Décembre pour La Réunion, “la Fèt kaf” (notre photo). (photo d’archive YVDE)

Ce 10 mai marque le 10ème anniversaire de la loi affirmant que la République reconnaît l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Au cours des 10 premières années d’application de la loi, avez-vous constaté en France un changement de vision sur cette période de l’Histoire ?
- Depuis dix ans, de nombreux progrès ont été accomplis dans les domaines de l’enseignement, de la recherche, et de la valorisation des patrimoines. Un Centre international de recherche sur les esclavages a vu le jour au CNRS, il y a d’autres centres de recherche, de nombreux ouvrages sont parus, le nombre des thèses a augmenté considérablement et les thèmes de recherche se sont diversifiés, des créations culturelles et artistiques ont pris traite négrière et esclavage comme thèmes. Les Archives nationales de France comme des archives départementales ont engagé des actions de numérisation et de médiation, des salles ont été ouvertes au Musée des ducs de Bretagne et au Musée d’Aquitaine.
Le CPMHE estime pourtant qu’il reste encore beaucoup à faire, en particulier dans le domaine de l’enseignement et de la médiation. Trop de méprise et d’incompréhension demeurent. Peu de Français connaissent cette histoire. Il est inconcevable que les apports des esclaves et de leurs descendants soient ignorés ou marginalisés. Il est inacceptable que des siècles qui ont vu des êtres humains mis en esclavage, privés de droits civiques, de patrimoine, et de patronyme, soumis au fouet et aux fers, et qui ont contribué à la richesse économique de la France, soient oubliés.
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Le café cultivé par les esclaves à La Réunion, un enrichissement de la France. « Il est inacceptable que des siècles qui ont vu des êtres humains mis en esclavage, privés de droits civiques, de patrimoine, et de patronyme, soumis au fouet et aux fers, et qui ont contribué à la richesse économique de la France, soient oubliés », souligne Françoise Vergès. (photo Toniox)
L’enseignement reste l’enfant pauvre. Il n’y a pas de formation systématique des enseignants. Or, cette histoire dure plusieurs siècles ! L’esclavage est contemporain de la modernité, c’est-à-dire de la transformation de l’Europe : Déclaration des droits de l’Homme, fin de la monarchie, révolutions des Lumières… Les traites et l’esclavage ont profondément transformé la cartographie du monde, ils ont globalisé des économies, ont affecté le droit, la philosophie, les arts et mis en contact des cultures, des langues, des savoirs et des croyances. Ces dernières décennies, les historiens ont renouvelé le regard sur ces siècles d’histoire, en relisant les archives et en ouvrant de nouvelles pistes de recherche.
Les héritages de l’esclavage sont complexes et multiples : expérience de l’exil et de la déportation, création de nouvelles cultures, croyances et savoirs, les sociétés et cultures créoles en sont des témoins. La lutte incessante des esclaves pour leur liberté a contribué à l’extension des idéaux de la démocratie et l’anti-esclavagisme, dont l’abolitionnisme européen est une des expressions, fut l’un des premiers grands mouvements internationaux pour les droits humains et contre l’exploitation.
En France, je constate une vraie attention aux formes contemporaines de l’esclavage, mais une plus grande difficulté à comprendre les héritages de l’esclavage colonial. Mais je perçois rarement de l’hostilité, de la gêne parfois — qui est responsable ? pourquoi cela dure si longtemps ? — mais pas d’hostilité. Ce sont chez des élus, des historiens que je trouve de l’hostilité. La Loi Taubira est régulièrement attaquée. Il y a un refus chez certains élus et historiens de voir ce qu’ont représenté traite et esclavage et d’admettre que le racisme anti-Noir y trouve ses origines. Il y a chez eux comme un refus de voir ce que l’Europe a fait, le poids de son racisme anti-Noir, et sa difficulté à admettre qu’elle n’est pas le centre du monde.
Mais je le dis encore une fois, la société me semble plus prête à reconnaître cette histoire. Nous sommes face à un mouvement de réaction communautariste qui refuse toute ouverture, qui se replie sur lui-même et qui s’exprime dans une incapacité à décentrer l’Europe.

(à suivre)

mercredi, avril 13, 2011

Aimé Césaire au Panthéon : « Un nègre mort est un bon nègre

France / Césaire / Panthéon
Hommage national à Aimé Césaire : « Un nègre mort est un bon nègre »

(MFI / 12.04.11) Début avril, la France a rendu un hommage national au poète martiniquais Aimé Césaire. Conformément à sa volonté, le corps de cet intellectuel, chantre de la négritude et de la décolonisation, décédé le 18 avril 2008 à l’âge de 94 ans, est resté dans son île natale. Mais une plaque à sa mémoire a été apposée au Panthéon, à Paris. Une fresque monumentale a été installée au cœur de la nef, composée de portraits évocateurs des quatre périodes de sa vie. S’agit-il d’un hommage à l’auteur du Discours sur le colonialisme ou d’une réparation aux cultures d’Outre-mer ? Entretien avec l’historien Oruno D. Lara, fondateur et directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques à l’université Paris X.

RFI : A sa mort, en 2008, tout le monde a rendu hommage au chantre de la négritude et de la décolonisation. Qu’est-ce que l’entrée symbolique d’Aimé Césaire au Panthéon apporte de plus ? 
O.D.L. : Quand on dit « chantre de la décolonisation », je ne suis pas du tout d’accord. Pour moi, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, et La Réunion sont encore des colonies – quel est le taux de chômage dans ces départements d’Outre-mer ? En réalité, c’est l’hommage du gouvernement français à Aimé Césaire. On veut faire de lui la figure de la décolonisation, mais il n’a rien décolonisé. Il a obéi à de Gaulle, à Malraux, il a toujours dit oui. Aujourd’hui, en France, dans l’hexagone, il n’y a aucune chaire universitaire d’histoire de Martinique, de la Guadeloupe ou de la Guyane. Voilà la vérité.

RFI : En quoi consiste le génie d’Aimé Césaire ?
O.D.L. : Il faut replacer Césaire dans l’histoire de la Martinique, où il existe trois catégories de personnes : les colons békés qui sont encore en Martinique ; « les nègres libres » avant 1848 - c’est le cas de Césaire et de sa famille ; et puis ceux qui ont été libérés en 1848, et leurs descendants. Césaire appartenait à une famille aisée, ce que lui a permis d’entrer à l’Ecole normale supérieure, de faire de brillantes études et de devenir professeur. Ce n’est pas un génie, c’est un homme devenu maire de Fort-de-France alors qu’il ne connaissait rien en politique. Il a accepté de jouer le rôle que lui a fait jouer le Parti communiste martiniquais. Il s’est retrouvé député à Paris en 1945 où il a été complètement roulé dans la farine – c’est lui-même qui m’a parlé de cela – par Jacques Soustelle, ministre des Colonies dans le gouvernement provisoire de Gaulle, puis par Gaston Monnerville, chargé de préparer le statut de l’Outre-mer français. Césaire est devenu le rapporteur de cette loi du 19 mars 1946 érigeant la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion en départements. Il a été pris dans cette ambivalence.

RFI : Son héritage est-il galvaudé ou récupéré ?
O.D.L. : De son vivant, Césaire était interdit d’antenne à la radio et à la télévision française. Il a été longtemps l’ennemi public numéro 1. Personne ne voulait l’entendre. Sitôt mort, tout le monde l’écoute. Finalement, un nègre mort est un bon nègre. Il aurait été vivant maintenant, personne ne l’aurait écouté, et surtout pas le président Sarkozy.

RFI : Articles, livres, manifestations… Depuis trois ans, on a l’impression que tout a été dit sur l’homme, l’écrivain et l’homme politique Aimé Césaire. Reste-t-il encore une partie de sa vie ou de son œuvre ignorée ou mal connue ?
O.D.L. : Il y a beaucoup de choses que nous devons encore découvrir sur Césaire. D’abord, sa propre vie, le personnage lui-même, qu’on ne connaît pas du tout, par exemple qu’il battait sa femme. Si vous allez en Martinique, le maire du Marin pourrait vous dire beaucoup de choses sur cette question, mais personne n’en parle. Toute l’histoire autour de la loi du 19 mars 1946, dont il était le rapporteur, personne ne sait comment cela s’est concrètement fait. Il a été piégé par le ministre des Colonies, Jacques Soustelle. Aimé Césaire m’avait dit qui il ne pouvait pas en parler. Ce sont des choses que les Martiniquais ignorent.


Siegfried Forster

mardi, avril 12, 2011

AIMÉ CÉSAIRE, ET APRÈS?


Hommage a été rendu à Aimé Césaire, la semaine dernière. On ne peut que s’en réjouir. La cérémonie fut belle, émouvante et solennelle. Cependant, quelques détails ont en partie terni la joie de cette circonstance.


Pour commencer, le service public fut un peu en dessous de lui-même: pour l’occasion, France Télévisions avait invité des chanteurs, des gens sympathiques, certes, mais pas toujours bien informés, car il n’y avait aucun expert d’Aimé Césaire sur le plateau. Aurait-on agi de même s’il s’était agi de Camus, par exemple? 

Du coup, les approximations et les erreurs furent nombreuses, personne ne put définir clairement le concept de négritude, et M. Jean-Marie Rouart, dont on ne sut jamais à quel titre il figurait sur le plateau, se demanda publiquement si Césaire méritait d’aller au Panthéon, compte tenu de ses attaques envers les valeurs de la France et de l’Occident en général (sic)! Et dire qu’on avait réussi à éviter Eric Zemmour…


On l’aura sans doute remarqué, dans son discours, Nicolas Sarkozy exalta longuement le poète, mais fut moins éloquent quant à l’homme politique, celui qui avait farouchement combattu le racisme, le colonialisme et le capitalisme. Par ailleurs, poursuivant cette logique d’euphémisation, il affirma qu’Aimé Césaire était opposé aux réparations, puisque l’esclavage avait été un crime «irréparable». Or, il est vrai que Césaire, dans ses entretiens avec Françoise Vergès, avait affirmé: «je le répète, pour moi, c’est irréparable»

Mais sa position était beaucoup plus complexe et ambiguë que cela sur le sujet, car il affirmait aussi, quelques lignes plus loin: «Je crois que l’Afrique a droit moralement à une réparation. Essayons d’employer d’autres termes… Bon, on va croire que je suis contre la réparation. Je pense que les Européens ont des devoirs envers nous, comme à l’égard de tous les malheureux, mais plus encore à notre égard, pour des maux dont ils sont la cause. C’est cela que j’appelle réparation, même si le terme est plus ou moins heureux.» 


On conviendra, à la lecture des quelques lignes, qu’il est difficile de déclarer qu’Aimé Césaire était opposé aux réparations, comme Nicolas Sarkozy l’expliqua de manière unilatérale dans son discours. Que l’on soit pour ou contre les réparations, il est certain que Nicolas Sarkozy a faussé la pensée de Césaire sur ce point.


Mais au-delà de ces reproches, il faut saluer la décision prise par Nicolas Sarkozy: cette plaque au Panthéon était justifiée, elle était nécessaire. La cérémonie était belle, le discours était fort. Mais il faudrait aller plus loin. Le 10 mai approche à grands pas. A l’occasion de cette journée de commémoration de l’esclavage et de l’abolition, le chef de l’Etat devrait aller plus loin, et annoncer le lancement des travaux devant aboutir à la création du musée de l’esclavage. Cette promesse de la république fut sans cesse négligée, voire trahie.


Aimé Césaire l’aurait voulu, Edouard Glissant y avait travaillé, ceux qui aiment la liberté l’exigent. M. le Président, lancez dès le 10 mai le musée national de l’esclavage que nous attendons tous!

Louis-Georges Tin

dimanche, avril 10, 2011

Le Royaume-Uni confronté à son passé colonial

Trois des Kenyans en procès contre le gouvernement britannique

Quatre Kényans réclament des réparations pour des tortures commises il y a 50 ans lors de la révolte des Mau Mau. 


Le procès très inhabituel qui s'est ouvert jeudi devant la haute cour de justice de Londres rouvre un des volets les plus sanglants et les plus sombres de l'histoire coloniale britannique. Les quatre plaignants, âgés entre 70 et 90 ans, sont venus du Kenya pour réclamer au gouvernement britannique des dédommagements pour les tortures qu'ils ont subi lors de la violente répression de la révolte des Mau Mau au Kenya il y a plus de cinquante ans.

Le premier ministre David Cameron, lors d'une visite au Pakistan, a lui aussi provoqué de très vives réactions en estimant que l'ancien empire britannique était responsable de nombreux conflits actuels sur la planète. Interrogé sur le rôle possible de la Grande-Bretagne pour résoudre le conflit du Cachemire, il a répondu qu'il ne voulait pas intervenir, car «comme c'est le cas pour un si grand nombre de problèmes dans le monde, nous en sommes les premiers responsables». Sa remarque a été très bien accueillie à Islamabad, mais de nombreux Britanniques l'accusent de faire preuve de naïveté sur la complexité de l'histoire post-coloniale.
Les propos du premier ministre résonnent en tout cas de manière très forte au moment où s'ouvre le procès des Mau Mau à Londres.

Les archives rendues publiques

Les historiens estiment que pas moins de 150.000 Kényans suspectés de soutenir les Mau Mau, un mouvement de résistance armée qui s'attaquait aux forces coloniales et aux fermiers blancs, ont été mis en détention dans des camps par les Britanniques entre 1952 et 1961. La répression avait été très violente, et le conflit avait entraîné la mort de près de 11.000 Africains et de 32 Blancs.

Les quatre Kényans ont expliqué jeudi au juge Richard McCombe les tortures qu'ils avaient subi pendant les années passées dans les camps. Deux d'entre eux ont été castrés par leurs gardes, une autre a été violée et un dernier suspendu par les pieds et battu avec des bâtons.

Les avocats du Foreign Office ne nient pas la gravité des faits mais ils argumentent que le procès n'a pas lieu d'être, et que le gouvernement britannique ne peut être tenu responsable de faits commis au Kenya il y a plus de cinquante ans. D'après l'avocat Robert Jay, la responsabilité juridique de l'ancien pouvoir colonial local a été transférée au gouvernement kényan après la déclaration d'indépendance en 1963.

Quelle que soit l'issue du procès qui doit encore durer sept jours, les historiens britanniques se félicitent du fait que le Foreign Office ait été obligé de rendre public le mois dernier toutes ses archives se rapportant à cette époque coloniale. Sur un total de 2000 cartons que le ministère va transmettre aux archives nationales, au moins 300 contiennent des documents confidentiels qui n'avaient pas été transmis au gouvernement kényan après l'indépendance. Les autres caisses contiennent potentiellement des informations explosives sur le rôle du Royaume-Uni lors d'autres crises coloniales, comme lors des révoltes arabes en Palestine dans les années 1930, à Chypre en 1955 ou pendant l'insurrection communiste en Malaisie en 1948.


Cyrille Vanlerberghe

mercredi, avril 06, 2011

Françoise Vergès : « Un monde multipolaire émerge qui affirme qu’il y a d’autres voies que la voie européenne »

Rencontrée le 22 mars dernier, à l’occasion de la présentation du livre au Salon International du Livre de Paris, Françoise Vergès, qui a également participé à cet ouvrage, s’est prêtée à un petit entretien au travers duquel elle expose les différentes raisons pour lesquelles la pensée de Césaire n’a pas encore été introduite à La Réunion. En voici un extrait :



Pourquoi, selon vous, est-ce que la parole d’Aimé Césaire n’a jamais été entendue à La Réunion ? 
— Avant tout, il a toujours existé une méfiance envers ce qui vient des Antilles. Notamment à cause de ce que nous pourrions appeler avec plusieurs guillemets la« question noire », ou après Frantz Fanon, « l’expérience vécue du Noir » : c’est une question taboue à La Réunion. Tout ce qui touche aux Kafr et aux Kafrin comme expérience sociale et culturelle est frappé d’interdit. 
Ensuite, c’est la parole politique de Césaire — qui précède celle de Fanon et de Glissant — qui a posé problème. Une parole puissante et très critique par rapport à la société coloniale et post-coloniale. Et ce regard autocritique est encore absent à La Réunion. Naturellement, il y a des choses positives à La Réunion, mais on ne peut faire l’impasse d’un travail critique : quelles erreurs ? quels problèmes internes ? Dépasser la dénonciation. Dans ce travail, lire Césaire et se demander en quoi il nous concerne serait une première étape. 
Je pense également qu’il existe une politique de l’oubli sur l’histoire de la décolonisation. 
C’est un espace gris, l’assimilation phagocyte les esprits. On dit que « ça » (l’esclavage, la colonisation) a existé, mais on ne veut pas et on ne peut pas en parler. Parler de post-colonialisme, c’est admettre qu’il y a eu colonialisme. Cela poserait question sur sa forme prise à La Réunion. Et du coup, cela ramènerait à des questions sur qui on est. On touche là au tabou suprême. Voilà ce qui motive cet interdit sur Césaire. Un interdit conscient et inconscient. Parce que le lire, le discuter, c’est discuter de soi. 

Comment dire la modernité de Césaire en 2011 ? 
 Une autre voie 
Césaire signale déjà dans le “Cahier” et “Le Discours sur le Colonialisme” que le récit européen sur l’histoire du monde n’est pas tenable. C’est un « vol de l’histoire ». C’est-à-dire que le passé est interprété à l’aune de l’Europe ou raconté seulement par l’Europe. 
L’Europe aurait inventé la liberté, la démocratie... Donc on serait conduit à édifier sa liberté en conformité avec ce qui aurait été conçu en Europe. Césaire questionne cette hégémonie singulièrement présente aujourd’hui. Or, des pays, des régions, à l’heure actuelle, disent à l’adresse de l’Europe et de l’Occident, il y a d’autres récits, d’autres cartographies de l’histoire. Un monde multipolaire émerge qui affirme qu’il y a d’autres voies que la voie européenne qui est une parmi d’autres. Ce monde multipolaire fait éclater l’hégémonie. Et Césaire déjà le pointe. C’est ce qui fonde sa modernité. 

Une pensée sur le pouvoir 
Ensuite, Césaire a traité les questions sur le pouvoir. La solitude du pouvoir : je suis le roi Christophe ; je suis Patrice Lumumba ; je suis Toussaint Louverture ; je suis Aimé Césaire. Qu’est-ce que je fais entre le rêve ou l’utopie que je porte et la réalité, surtout immédiate. Césaire disait : 1946, mon peuple voulait la départementalisation, peut-être fallait-il en passer par là. C’est la question de l’écart. Comment accompagne-t-on le mouvement d’émancipation de son peuple. Qu’est-ce que c’est que le mouvement d’émancipation, qu’est-ce que la raison politique ? Césaire a pensé à toutes ces questions.

La dénonciation de la sauvagerie 
Césaire a aussi abordé la question du retour de la sauvagerie coloniale que l’Europe a exercé dans le monde et qui lui fait retour. Il dit : vous vous étonnez du nazisme, mais c’est ce que vous avez perpétré partout dans le monde qui vous revient dans la figure. Ce que vous connaissez là est ce que vous avez expérimenté ailleurs. La colonie apparaît alors comme un laboratoire d’une modernité violente. 
Et puis, je dirais en dernier lieu et dans ce droit fil qu’il pose un regard sur l’esclavage comme un phénomène de la modernité (n’appartenant pas au monde pré-moderne, mais accompagnant la modernité). Au moment même où l’Europe dit « Liberté, Egalité, Fraternité », et parle de « droits humains », l’Europe met en esclavage des millions de personnes. Césaire pointe cette modernité européenne qui se construit sur une exclusion, sur un asservissement. L’esclavage n’est alors pas seulement une question historique, mais aussi une question politique.