vendredi, mai 06, 2011

Extrait : Un peu d'histoire de la colonisation de la Martinique




En 1635, le sieur Liénart de l’Olive  voulut faire la guerre aux Caraïbes, Du Plessis s’y opposa arguant : « cela serait contraire aux ordres du Roi et des seigneurs de la Compagnie qui, ayant pour but principal la conversion de ces infidèles, voulaient qu’on entretînt  la paix avec eux pour faciliter ce dessein[1]. »  Mais l’Olive, n’oubliait pas l’objectif de la colonisation, la conversion des Sauvages, et dès le début il s’y employa. La mort de Du Plessis, lui laissa les mains libres et trouva un prétexte pour  attaquer les Indiens : «En 1636, un an après l'arrivée de l'Olive et Duplessis, et quelques mois après la mort de ce dernier,  l'Olive décida d'exterminer  les "Sauvages".  La majorité se cacha;  deux furent pris et massacrés; deux autres faits  prisonniers.[2] »  Les missionnaires s’insurgèrent en parlant de « conspiration ». Du Tertre, le P. Raymond et  les autres religieux s’opposèrent à la politique menée par de l’Olive : « Il n’était pas permis de faire la guerre injustement à une nation libre et lui ravir ses biens et habitations[3].»  Les Français prirent l’avantage, mais l’insécurité  fut telle, qu’ils durent se terrer dans leurs forts, car les embuscades succédaient aux embuscades. 

En 1640, la paix revint après une médiation de Dyel Du Parquet (Gouverneur de la Martinique) avec les Indiens et la nomination d’Aubert comme gouverneur en  remplacement de l’Olive. Mais en 1650, les guerres redémarrèrent, en 1656 les Caraïbes firent  une alliance avec les Nègres marrons qu’ils débauchaient des plantations[4]

En 1657, ils attaquèrent les colons au Morne Riflet[5] ; et la même année, les Caraïbes signèrent la paix : « Quoique la paix eût été conclue avec les Caraïbes, cela ne les empêchait pas de nuire aux Français (…) Après les avoir armés de flèches et de boutous, les Caraïbes les roucouèrent à leur façon afin qu’ils ne fussent pas reconnus, et ces deux nations sauvages de l’Afrique et de l’Amérique, mêlant leurs haines barbares contre leurs maîtres et leurs vainqueurs, couraient à la faveur des ténèbres, la torche à la main, brûlant les cases et massacrant ceux qui fuyaient à leur approche[6].» L’une des ripostes nous est racontée, par l’historien Sidney Daney, un des tenants du système colonial, un esclavagiste avec la mentalité de son époque, avec tout le mépris,  l’arrogance et la fatuité  que cela implique, affichant la supériorité des siens comme une affirmation d’une irrécusable évidence : « Les Français en firent un carnage général, sans distinction de sexe ni d’âge. C’est ainsi que cette nation se vit chasser encore d’une de ses îles par les Européens, et que la Martinique en fut entièrement délivrée, sur la fin de l’année 1658 [7].» Si la Martinique se trouvait « délivrée» de ses autochtones, ces derniers n’étaient pas encore vaincus, et en l’an 1660, Houel  fut chargé par les Gouverneurs de la Martinique et de St Christophe, d’établir un traité de paix avec les Indiens : « parce que la dite Isle Martinique était engagée dans la guerre avec les  dits Sauvages il y a plus de six ans, qui  a causé de très grands malheurs par les meurtres, incendies et enlèvement de Nègres, fait par les dits Sauvages, en quoi le service du Roi  a reçu un notable préjudice.[8]» Ils négocièrent avec « quinze Sauvages des plus renommés des isles de Saint-Vincent, de la Dominique, et de ceux qui avaient été chassés de celle de la Martinique. » L’une des conditions de cet accord de  paix,  fut que les Indiens rendissent les cinq cents Nègres esclaves volés sur les habitations et que les colons cessent toute tentative de peuplement sur Saint-Vincent et la Dominique, qui resteraient « leur seul lieu de retraite. »



Tony Mardaye


[1] Du Tertre, I, 83.
[2] Du Tertre, I, 88
[3] Père Raymond Breton, Relation de l’île de la Guadeloupe, Basse-Terre, Société d’Histoire de la Guadeloupe, 1978, I,  p. 92
[4] « Les nègres africains, déjà en grande quantité, étaient depuis quelques temps, attirés par les caraïbes dans les bois où ils vivaient dans un état de vagabondage, appelé, aux colonies, marronage. Ces nègres, profitant de l’irruption des Sauvages, qui avaient fait fuire les habitants  vers le fort Saint-Pierre, s étaient grossis de ceux qui quittèrent alors leurs maîtres, et s’étant partagés en bandes, les uns s’étaient joints aux Caraïbes, les autres s’étaient mis à piller, brûler, tuer et commettre les atrocités les plus horribles. »  Sidney Daney, op. cit., p. 74
[5] Ces excursions nocturnes et sanglantes   durèrent un an. Les Caraïbes et les nègres, enhardis par l’inaction des colons, ne s’astreignirent plus à profiter des ombres de la nuit pour se livrer à leurs déprédations et à leurs meurtres. Ils poussèrent l’audace jusqu’à s’avancer en plein jour, le 29 août 1657, sur des mornes qui dominent Saint-Pierre, appelé Morne Riflet, brûlèrent quelques cases, tuèrent plusieurs personnes à coups de flèches… Sidney Daney, op, cit., p. 81.
[6] Sidney Daney de Marcillac : Histoire de la Martinique depuis la colonisation jusqu’en 1815, Fort Royal, imp. E. Ruelle, 1846. réimprimé en 1963 par la société d’histoire de la Martinique Ed.  des Horizons, p.81.
[7] Sydney Daney, op cit., p.108
[8] Du Tertre, I,  p 564 à 570..

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