dimanche, août 28, 2011

Traite négrière et esclavage : L’Afrique, hier saignée, aujourd’hui méprisée


A l’occasion de la commémoration de la Journée du souvenir de la traite négrière et de son abolition, ce 23 août à Gorée, les participant ont discuté sur la problématique de la traite négrière.

La journée du souvenir de la traite négrière, célébrée mardi à Gorée, a été l’occasion pour le réseau des élèves associés de l’Unesco, les professeurs d’Histoire et de Géographie et autres participants de débattre sur la dimension pédagogique et culturelle de la traite négrière. ‘Le thème de la traite négrière nous interpelle tous par la place qu’elle occupe dans la mémoire collective et par les questions actuelles qu’elle soulève’, a souligné Assane Kane, enseignant l’histoire et la géographie à la Maison d’Education Mariama Bâ de Gorée.

Débutant sa communication par un historique de la traite négrière, il a ainsi rappelé que : ‘C’est dans la nuit du 22 au 23 août 1791 que le peuple haïtien a de manière profonde et progressive ébranlé le système esclavagiste avec la révolte de Saint Domingue’. Lors de cette nuit, une cérémonie culturelle vaudoue est organisée dans le but d’aider davantage les Noirs à s’attacher à leur culture et à se rapprocher de leurs terroirs d’Afrique. Elle aboutit, toutefois, à une revendication de l’abolition de l’esclavage qui déboucha sur un combat farouche pour la liberté. ‘En 1794, la France prenant acte de sa défaite a déclaré l’abolition de l’esclavage’, dira l’historien. Par la suite en 1804, ‘la République d’Haïti fut proclamée définitivement’. Elle consacre ainsi la 1e victoire d’esclaves contre le système d’exploitation.

Revenant sur les conditions de la traite négrière, Kane a rappelé ‘les souffrances et les atrocités des millions d’Africains arrachés à leur patrie et déportés dans des conditions inhumaines vers des destinations qui leur étaient inconnues’. On a d’ailleurs qualifié cette déportation de ‘crime contre l’humanité’. C’est ainsi ‘la période de la déshumanisation du Noir au plan juridique, social et politique’, soutient-il. Kane a, par ailleurs, souligné l’originalité de la traite qui ‘s’est seulement attachée à l’asservissement des seuls Noirs’, mais aussi du fait que ‘les problèmes de l’Afrique qui ont pour noms : la fragilisation du continent, sa colonisation, le racisme et le mépris dont les Africains sont encore accablés tiennent d’elle’.

De son avis ‘traite et esclavage sont indissociables dans la tête des hommes qui sont enclins à identifier la même victime : le Noir’, mais ajoute notre interlocuteur : ‘Ils sont toutefois distincts, car la fin de la traite n’a pas abouti à la mort de l’esclavage’. Cherchant à situer les responsabilités dans cette traite, il a précisé que ‘la responsabilité doit être imputée à l’Europe, car en codifiant la traite elle lui a donné une dimension universelle. Mais il y a aussi la complicité des chefs et des négociants africains’.

L’autre aspect de la communication de Kane a porté sur l’héritage culturel de la traite négrière et de l’esclavage. ‘Dans un monde qui a cherché à leur dénier leur statut d’homme, les esclaves ont montré leur capacité à maintenir des pratiques culturelles : créer un art, une langue, des croyances’, indique-t-il. Les esclaves ayant une même compréhension de base et des pratiques généraux, issus de sociétés partageant les mêmes valeurs, cela a abouti à la création d’un fonds commun. Mais les rapports entre maîtres et esclaves ont aussi engendré des lois, croyances, institutions nouvelles d’où l’émergence d’un processus de création de culture originale. Aussi, après les indépendances, les Africains se sont retrouvés avec deux types d’héritages : l’héritage colonial et l’héritage autochtone. Mais, selon Kane, ‘il est temps que l’Afrique reprenne possession de son histoire’.

Par rapport à la dimension pédagogique de la traite négrière, l’enseignant d’histoire et de géographie a souligné ‘la nécessité d’encourager une exploitation de la documentation sur la traite négrière et une production académique récente assurant une prise en charge des programmes scolaires’. Ce qu’il explique par le fait que ‘s’agissant de la traite négrière, il faut tout simplement lever le voile et enseigner la vérité, car la traite négrière et l’esclavage appartiennent au tableau sombre de l’humanité’. Même son de cloche pour le ministre de l’Enseignement élémentaire, du Moyen et Secondaire, Kalidou Diallo. Pour lui, ‘l’enseignement de l’histoire générale des peuples noirs et de l’Afrique nourrit les prises de conscience et ensemence le patriotisme et les engagements panafricanistes. Il permet de mieux faire apprécier les brassages, les rencontres et convergences qui ont forgé et jalonné la marche des peuples noirs’.




Louise Elisabeth FAYE (Stagiaire)

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