mardi, novembre 29, 2011

"Exhibitions" ou la fabrique des "sauvages


Le musée du Quai Branly, à Paris, consacre une exposition aux spectacles ethniques.
Exhiber, rabaisser pour mieux dominer. C'était l'objectif des spectacles ethniques très répandus au 19e et au début du 20e siècle en Occident. L'histoire des "exhibitions", c'est avant tout l'histoire d'hommes et de femmes venus d'Asie, d'Afrique et d'Amérique pour être montrés à l'Occident.
Le musée des arts premiers du Quai Branly à Paris présente, à partir de mardi, l'exposition "Exhibitions" sur cette "fabrique" des sauvages. Le leitmotiv du commissaire général et ex-footballeur, Lilian Thuram,n'est autre que de "déconstruire l'histoire". Visite guidée avec Europe1.fr.
A quelle époque ont démarré ces exhibitions ? Ces "spectacles" ont véritablement commencé en 1492 avec Christophe Colomb qui ramène des Indiens à la cour d'Espagne. Jusqu'à la fin du 18e siècle, ce sont surtout des individus "exotiques ou monstrueux". C'est entre 1850 et 1930 que les spectacles ethniques atteignent leur apogée. Un exemple : l'impresario Farini exhibe "Krao", une femme velue du Laos, présentée comme "le chaînon manquant entre le singe et l'homme".
Dans le dernier quart du 19e siècle, aucun pays occidental n'échappe à la fascination pour ces spectacles humains : Allemagne, Etats-Unis, France, Royaume-Uni. Comme Geoffroy de Saint-Hilaire, le directeur du jardin d'acclimatation, qui organisa en 1877, deux spectacles ethnologiques en présentant des Nubiens (peuple du nord Soudan) et des Esquimaux aux Parisiens.
Qui sont ces "sauvages" ? Ce sont ceux qui étaient considérés à l'époque comme des "bizarreries" de la nature (nains, obèses, géants) mais aussi les hommes de "couleur", certains issus de la traite négrière. Ils sont exposés dans des cages, exhibés dans des expositions universelles, ou transformés en "bête de foire" pour amuser les occidentaux.
Bref, des zoos humains à ciel ouvert en pleine période de la colonisation. 35.000 figurants ont été dénombrés entre 1810 et 1958. Et les spectateurs ont été extrêmement nombreux. "On évalue à 1,4 milliards le nombre de visiteurs touchés par ce phénomène d'exhibition de prétendus sauvages", explique Pascal Blanchard, l'un des commissaires scientifiques de l'exposition.
Comment est née l'exposition ? "C'est le fruit d'un travail de deux ans. On s'est replongé dans le parcours de toutes ces personnes pour leur redonner une identité. Ce ne sont plus des anonymes", précise sur Europe 1, Nanette Jacomijn Snoep, commissaire de l'exposition."Exhibitions" permet de retracer la perception de l'autre dans les pays occidentaux depuis la Renaissance. Fidèle à son combat contre les préjugés et le racisme, Lilian Thuram est commissaire général de l'exposition.
Pour l'ex-champion du monde 98, elle permet de détricoter "les préjugés" persistants. "En 1931, au jardin d'acclimatation, on a exhibé les arrières grands-parents de mon ami Christian Karambeu en les présentant comme des cannibales kanaks. Les visiteurs sont repartis chez eux en pensant que les sauvages existaient." L'objectif n'est pas de culpabiliser ces "spectateurs". "C'est normal, on a toujours été curieux. Ils ne connaissaient pas l'autre et ils le caricaturaient", explique Lilian Thuram au micro d'Europe 1.
Que peut-on voir ? Près de 600 pièces sont exposées. Peintures, sculptures, moulages sur le vivant, affiches, photographies, livres, films…ou machine à mesurer le crâne. Le tout dans un décor de théâtre. Mais toutes les pièces ne posent pas un regard méprisant sur les "spectateurs". Comme le montrent les portraits d'Indiens des plaines peints par George Catlin ou bien les Océaniens de Paul Gaugin.
Musée du Quai Branly, 37, quai branly, Paris 7e. Jusqu'au 3 juin.
AFP

lundi, novembre 28, 2011

CAMEROUN: L’ESCLAVAGE ET SES SURVIVANCES DANS LA RÉGION DES GRASSFIELDS


La région des Grassfields, qui correspond approximativement aux régions actuelles de l'Ouest, du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun, a connu une intense activité de traite. Elle est passée de l'esclavage coutumier à la traite transatlantique; après l'abolition elle a continué à pratiquer l'esclavage au sein et entre ses différentes chefferies. Les trafiquants d'esclaves sont bien connus et désignés sous le nom de kam poù (à Baham) et de tet je (à Bamendjou).

Les circuits du trafic et les modalités d'échanges héritées de la période antérieure sont demeurés longtemps en vigueur. Les opérations commerciales étaient menées à partir des principaux points de traite autour desquels se constituèrent des villages vivant des activités annexes de la traite. Malgré le ravalement progressif des pratiques esclavagistes à la clandestinité, les pistes de traite étaient presque les mêmes que celles empruntées habituellement pour le commerce et les réseaux de marchés qui reliaient les différentes chefferies. Certains de ces marchés d'esclaves avaient acquis une certaine notoriété. C'est le cas du marché de Sim Tse à Bandjoun, de Kam'na à Bayangam ou de Sim Hiala'a à Baham.

Le marché d'esclaves de Bamendjinda était également réputé dans la région. A Bangou le marché des esclaves portait le nom de Wingpou et il se trouvait en pleine brousse, dans une clairière très retirée du fait de la nécessité de cacher cette activité de plus en plus illicite. Un monument a été édifié sur le site de cet ancien marché des esclaves, avec l'aide des membres du Peace Corps américain, en mémoire des victimes. D'autres places célèbres peuvent être relevées : les villages de Banka et de Bakou dans le Haut-Nkam qui furent des lieux d'entrepôts et de transits d'esclaves en direction du Moungo; Bayangam dans le Koung-Khi avec son quartier d'esclaves de Tougwou Mpou; Kamna à Bangwa dans le Ndé, qui fut un grand marché d'esclaves de la région. Le site de Ndikinimeki, village situé dans la vallée du Mbam, fut tout aussi un ancien entrepôt et un grand marché d'approvisionnement en esclaves sur la voie terrestre entre l'Ouest et le Centre.

A Foumban où il n'existait pas de marché d'esclaves à proprement parler, il y avait plutôt des habitations qui tenaient lieu de places de ventes, Shukreu en langue bamoun, c'est-à-dire « lieu où l'on vend des personnes ». Les esclaves vivaient dans ces lieux de vente et étaient entretenus par les marchands d'esclaves. Celui qui avait besoin d'esclave pouvait s'y rendre et opérer son choix après avoir minutieusement examiner sa prise. Une fois l'affaire conclue, il rentrait avec l'objet de son achat. Ces maisons étaient ouvertes de manière permanente.

Quant aux ventes vers l'extérieur du royaume, elles étaient théoriquement l'exclusivité du roi qui s'en servait par exemple pour échanger quelques esclaves contre du sel dans la région de Bafia. Le roi s'en servait également pour se procurer des chevaux auprès des Foulbé. Mais il arrivait aussi que certains princes ou notables vendent discrètement des captifs aux étrangers (Bamileké et Foulbé). Le nombre de captifs sur les marchés variait selon la conjoncture ou les évènements politiques. L'offre augmentait à la fin d'une guerre et la baisse correspondait aux périodes de paix. Les prix suivaient également les fluctuations dans l'offre et la demande. Les Bamoun pratiquaient au départ le troc, comme presque partout ailleurs. Un esclave était échangé conte deux ou trois chèvre, une vingtaine de poulets ou des paniers de vivres (mil, patate douce, manioc…) ; par la suite avec l'introduction des cauris, le prix d'une femme variait énormément : une fille vierge coûtait 150.000 cauris alors que celle qui avait connu un homme ne valait plus que 20.000 cauris. En 1912, on a des indications sur la vente d'une fille à 9.000 cauris et un homme à 7.000. Certains vendeurs d'esclaves étaient bien connus à Foumban à l'instar des nommés Nkome du quartier Fenten, Na Ghetyu de Njintut et Shikue de Mamben. Ces derniers prélevaient des commissions de l'ordre de 10 à 20 pour cent du montant de la transaction.

En pays bamoun, les femmes du roi disposaient de servantes pour assurer l'entretien de leurs maisons ainsi que celui de leurs domaines ruraux. Lorsque l'une des femmes du roi se retrouvait enceinte, de jeunes servantes étaient chargées de la nourrir et de veiller sur elle dans sa demeure où elle passait trois mois sans sortir. Après la naissance de l'enfant, un jeune serviteur était donné à la mère si elle mettait au monde un fils, une servante si elle avait une fille. Dans le même ordre d'idées, les garçons qui devaient servir le roi étaient envoyés au palais vers 7 ou 8 ans. Une épouse royale se chargeait de les nourrir et de les soigner. Ces serviteurs étaient repartis en deux groupes dont l'un pour assurer la sécurité du palais et l'autre pour l'entretien du souverain. Il existait également cinq sociétés sécrètes réservées aux serviteurs. La plus importante étant celle dite de Mbansie. En outre, les jumeaux systématiquement réduits en esclavage assuraient la garde du cimetière et l'entretien des sanctuaires où ils devaient offrir des libations à la terre et aux génies.

Aux pays bamileké et bamoun, les esclaves étaient employés tout le long du XIXe siècle, dans le cadre des activités agricoles, domestiques, commerciales et militaires. Les esclaves étaient également recherchés pour pallier au déficit démographique de certains villages et accroître la puissance de certaines chefferies. Car pour les peuples des Grassfields, ce qui fait la force d'un clan c'est le nombre de ses membres.

Il fallait donc disposer de plusieurs épouses pour prétendre à une nombreuse progéniture qui est, en même temps une force de travail importante. Les esclaves avaient également des obligations militaires. Les multiples guerres expansionnistes auxquelles se sont livrés les peuples des Grassfields ont également nécessité l'intervention des esclaves dans les conflits. Ce qui pouvait leur valoir des présents ou même la liberté en fonction de leur bravoure au combat. L'affranchissement permettait ainsi à l'esclave d'obtenir une femme et des biens de la part du maître. Pour affranchir un esclave pour bonne conduite, le chef lui donne sa fille en mariage dans le souci de le rendre toujours redevable et de maintenir sa fidélité.

D'autres royaumes montagnards pratiquaient les guerres de capture pour se pourvoir en esclaves dans la seconde moitié du XIXe siècle. C'est le cas de Bafut, de Kom et de Nso'. Malgré l'arrêt de la traite atlantique, une autre voie s'ouvrit par le Nord, permettant aux chefferies des Grassfields d'expédier un nombre important d'esclaves vers l'Adamawa et les autres émirats issus du djihad. Cette réorientation vers l'Adamawa allait faire durer le système et le maintenir en vie pendant une bonne partie de l'occupation coloniale. Certains grands notables des chefferies centrales du plateau disposaient d'une licence de traite. Celle-ci était matérialisée par une corde dite « corde à esclaves » ou nkibu’en mankon. Cette corde était tressée en fibres végétales mélangées à des cheveux humains. Elle leur était confiée par certains fons ou chefs de clans, qui en disposaient selon un rituel consacré. Le père et la mère du négociant devaient prononcer des paroles de bénédiction sur cette corde au moment de sa remise à l'intéressé. La multiplication des enlèvements, la vente frauduleuse de voisins, de parents ou d'alliés, le brigandage et les rapts, conduisirent à l'édification de certains ouvrages pour protéger la population. C'est le cas des tranchées larges et profondes de 3 à 5 m qui entouraient les chefferies à habitat dense telles que Mankon, Nkwen et Bafanji au Nord-ouest. Dès qu'une disparition était signalée, les sorties étaient contrôlées et le village passé au peigne fin pour retrouver les victimes et arraisonner les rapteurs. Dans le pays Banyang, les pratiques esclavagistes ont survécu en s'octroyant de nouveaux itinéraires. A partir de 1820, une nouvelle route des esclaves impliquant les Bayang comme intermédiaires se développa en remplacement de l'axe qui reliait les Eastern Grassfields à Douala via Yabassi. Cette nouvelle route acheminait les esclaves du centre des Grassfields via Mamfe et aboutissait à Calabar où la traite clandestine se poursuivait. Ce fut la voie esclavagiste la plus longue et la plus animée à l'Est de la Cross-River. Elle transforma la région de Mamfe dans son ensemble en vaste entrepôt d'esclaves en transit. Situés au centre de cet entrepôt et contrôlant ses principales issues à l'entrée comme à la sortie, les Banyang sont devenus des intermédiaires incontournables. Jusqu'au début du XIXe siècle, il y avait une importante demande en esclaves mâles adultes, petits garçons et jeunes filles dans la basse Cross-River; celle-ci était satisfaite à partir du centre des Grassfields. Ce rôle d'intermédiaire fut mis à mal lorsque les trafiquants d'esclaves originaires de Calabar commencèrent à venir s'approvisionner directement à Mamfe auprès des fournisseurs locaux.

Le pays Banyang disposait d'une organisation bien structurée dans l'exercice de leurs activités de traite des esclaves. Il existait de grands marchés d'esclaves tels que Ebuensuk, Tali et Kembong où les trafiquants en provenance de la basse Cross-River achetaient les esclaves auprès des Banyang. Il existait d'autres marchés à Widikum du côté de la limite Mamfe-Bamenda et à Lekeng à la frontière Mamfe-Dschang qui fournissaient aux trafiquants originaires de Mamfe la majeure partie de leurs esclaves.

L'occupation coloniale, loin d'arrêter le trafic, conduisit à des réadaptations dans les pratiques esclavagistes en pays Banyang : 
When the colonial authorities attacked slave-dealing in Cameroon in the late nineteenth and early twentieth centuries, the Banyang modified the organization of their business to suit the circumstances. The old and well known slave routes and centres were abandoned, except the Kembong centre which continued to handle slaves on a small scale in order to avoid notice. A new route was created which passed through Ngonu and Ambasi down the Mifi Valley to Anyang country and then to Kembong centre. Sometimes, twelve to thirty pieces of cloth (whose dimensions and nature we do not know) and a gun were passed over from village to village to Bangwa and Bali and a slave was passed down in return. In other instances, the slave dealers from the Grassfields disguised their slaves as carriers on a trade mission and sold them to their customers to the west and south. When it was difficult for the Manyang to acquire the desired slave by purchase, he kidnapped him from the neighbouring Bangwa, Mbo, or Mundani area.

Ces efforts de résistance à l'abolition et de réadaptation à la colonisation peuvent conduire à la conclusion que les Banyang, tout comme les autres groupes impliqués dans la traite des esclaves, en tiraient de profits substantiels. Mais en l'état actuel des connaissances, il est difficile d'évaluer les bénéfices engrangés. Tout ce qu'on sait c'est que même avec la généralisation de l'administration coloniale, les Banyang, loin d'abandonner l'esclavage, décidèrent de cacher leurs esclaves dans les enclaves forestières éloignées des principales routes :
Colonial interference thus led to the complete segregation of slaves and the emergence of slave villages. These slave villages or settlements included Kesem Mbinjong, Kesem Mbatop, Centre Fotabe, Kesem Nchemba, Okoyong, Kesem Talinchang, and Kesem Akagbe were respectively named after Ebeaga, Tali, and Bechuakagbe, the villages of the slave owners. Others, such as Kesem Mbinjong and Kesem Mfombenyong (both in Tali 1) and Kesem Tata Biantung were respectively named after Mbinjong, Mfombenyong, and Tata Biantung, the persons who owned the overwhelming majority of slaves in them.

Chez les Banso (sing. Nsó), un peuple voisin des Banyang, l'acquisition des esclaves au XIXe siècle était motivée par le souci de reconstruire leurs capacités productives et reproductives après les ravages de la traite atlantique, la recherche de prestige et de stature sociale en disposant d'une nombreuse clientèle et également le désir de s'engager dans la traite consécutive aux raids foulbé en provenance des lamidats septentrionaux. La création de ces nouvelles entités à partir du début du XIXe siècle a induit une nouvelle demande en esclaves; et pour la satisfaire des attaques se sont multipliées dans le but de prélever des esclaves qui sont vendus à leurs intermédiaires. Les localités telles que Way Ta près de Kitiiwum, Way Reevey à Menfu, Way Ngoylum près de Kikaykela'ki, Way Kimbó et Way Viná à Kikaykom jouèrent ainsi un rôle actif dans la traite des esclaves.

Chez les Kom et Bafut, en dehors de leur usage local au XIXe siècle, les esclaves furent un élément important du commerce au plan régional et local. Il existait des marchés proches où il était facile de se procurer des esclaves. Ces centres de traite étaient localisés à Nsó, Ndu et Bali-Nyonga. Un autre marché, celui de Ndop, ravitaillait particulièrement le pays bamileké. A partir du pays Nsó, les centres tels que Bamessi, Bali-Kumbat, Bafawchu, Bafut, Oku, Baba, Bum, Kom, Mankon, Nkwen, Babungo et d'autres marchés frontaliers tels que Donga, Takum, Wukari, Foumban et Banyo, satisfaisaient la demande locale. Les dispositifs intégraient les marchés de Way Ta et de Kikaykela'ki et les reliaient à Kontcha, Banyo et Tibati, dans le but de leur permettre de satisfaire à leur tour les exigences en tributs humains de l'empire de Sokoto. Dans le Bamenda précolonial, les réseaux d'échanges marchands entre le Nigeria et le Cameroun ont charrié un nombre considérable d'esclaves particulièrement appréciés. Les traitants nigérians apportaient à leurs partenaires commerciaux camerounais du plateau de Bamenda, des produits tels que le sel, les fusils, les étoffes et les barres de laiton en échange des esclaves. 

Le réseau mis en place à partir du plateau de Bamenda alimentait toutes les chefferies voisines et s'étendait sur de longues distances : In Nso’ there was a two way trade with the surrounding chiefdoms. Slaves were obtained in Bamum and sold in the direction of Bum. Bali-Nyonga disposed of its slaves in Widekum, Bangwa and in the northern Banyang markets. Slaves reached Kumba via Ikiliwindi markets. Slaves sold in Bum markets were obtained from places like Nkwen, Bali, Baba and Babungo, and these eventually reached the northern markets in Takum, Ibi, Wukari and Yola. The Nsungli centres which were largely controlled by Nso’ dealers supplied slaves that were channeled down to Bamum, Babungo, Bamessi and eventually reached the Bamileke centres… Most of the dealers were chiefs (the foyn and the tributary chiefs), princes, wealthy notables, great warriors and clan heads… One of the most notorious slave-dealer was a potential heir by nama Bobe Akoni whose slave-dealings continued to the 1920s and was often on the run because of the modern forces of law and order105.

Plusieurs itinéraires majeurs se dégagent de cet enchevêtrement de routes qui ont existé pendant la période de traite atlantique et qui ont survécu longtemps après l'abolition. L'interconnexion régionale faisait que tous les grands centres participaient à cette intense activité de traite : 
The two northern routes that channelled slaves, kola and ivory to the Benue and Banyo markets were first the route which ran from Bali through Kom to Bum and finally to Takum, Wukari and Ibi. The second route which left the Ndop chiefdoms through Kumbo linked the Nkambe markets (Ntem, Ndu, Donga) to Banyo and Koncha markets. The only southern route which ran from Bali through the Mamfe centres finally reach the coast at Calabar. The Bamileke chiefdoms were not isolated from the general trade pattern in the Western Grassfields. Some of the volume of slave trade was pumped through Bagam, Foumban, and Bangante to the coast in Douala. Kom was linked to this network. Evidently the Western Grassfields constituted the main source of labour for both the southern oil producing villages in Widekum and Mamfe where a different view of slave gave rise to slave villages. The slaves were exchanged for oil, beads, brass rods, guns and gun powder coming up from Calabar or from the Cross River area. It must be noted that at the close of the 19th century most slaves from the Western Grassfields were being sent down to the Cross River or even further south as labour to work on the oil plantations of the southern forest zone.

Bali se présente ainsi au nœud de plusieurs axes dont les plus importants sont : Bali-Kom-Bum-Takum-Wukari-Ibi ; Bali-Mamfe-Calabar ; Bali-Cross River; à ces routes on peut ajouter les axes Foumban-Bagam-Bangangte-Douala et Ndop-Kumbo-Nkambe (Ntem-Ndu-Donga)-Banyo-Kontcha dans l'Adamaoua. Foumban, la capitale du pays bamoun, se trouve elle-même à la frontière entre la  région des Grassfields et les lamidats de l'Adamaoua qui se développèrent tout au long du XIXe siècle et produisirent une importante quantité d'esclaves à destination de l'empire de Sokoto. Cette position lui conféra un rôle de pivot entre le Sud et le Nord du pays.

Source: ÉTUDE DE FAISABILITÉ DU PROJET DE TOURISME CULTUREL « LA ROUTE DE L’ESCLAVE » Auteur: Prof. Séhou Ahmadou, Enseignant-Chercheur à l'Université de Yaoundé I Cameroun, Spécialiste de l’esclavage et de la traite négrière.
N.B.: La demande de publier cet extrait a été faite par le Pan. African Cultural Center (PACC), pour plus d'informations nous contacter.

http://www.pplawr.org/
La suite avec : L’esclavage et ses survivances sur la côte camerounaise

dimanche, novembre 27, 2011

Conférence de Runoko Rashidi: L'histoire des Noirs européens avant l'esclavage

Runoko Rashidi sur l'importance de l'histoire : " ...Ce que vous pensez de vous dépend de ce que vous savez de vous et ce que vous savez de vous dépend ce qu'on vous a appris...Si vous ne connaissez pas votre passé, votre avenir sera compromis!..."

A l'occasion de son bref séjour parisien et après le succès de la rencontre-dédicace du samedi 26 novembre au Comptoir des Editions DAGAN à la Librairie Rutebeuf, le célèbre historien américain RUNOKO RASHIDI fera une conférence spéciale sur l'histoire des Noirs en Europe avant l'esclavage. Un thème qui tient beaucoup à cœur à l'historien qui parlera des contributions marquantes des Africains aux pays européens.

Un grand moment d'histoire en perspective!

Lieu du RDV
Salle du Forum Social Ivry
Métro Mairie d'Ivry ou RER C Station Ivry sur Seine

vendredi, novembre 25, 2011

Le Checo

Le Checo, un instrument de musique typique et unique créé par les noirs du Pérou lorsque les colons-(19ème siècle) esclavagistes leur interdirent de jouer au tambour et à tout autre instrument musical d'origine africaine. Ils ont créé un autre instrument de musique original et unique lui aussi, le Cajon, qui est né aussi suite à la même interdiction indiquée plus haut. Les 2 instruments se jouent comme le tambour...


LA CIRCONCISION ET LE RETOUR VÉRITABLE.




D’un point de vue chirurgical, la circoncision chez l’homme consiste à l’ablation du prépuce. Cette opération ne touche pas et n’altère en rien le gland du pénis et ne constitue pas par conséquent une mutilation de l’organe sexuel de l’homme.

LA CIRCONCISION DES FEMMES ne doit en rien être confondue avec L’EXCISION.

En effet, la circoncision féminine n’implique aucune mutilation ou ablation ni du clitoris ni des lèvres ou autres parties du sexe féminin. La circoncision féminine consiste donc à dégager le gland du clitoris de son capuchon ou prépuce clitoridien sans altérer ou diminuer la sensibilité de cet organe érogène chez la femme.

La Circoncision de l’homme et de la femme est une PRATIQUE INITIATIQUE EN NUBI (Afrique Noire) et remonte aux origines de la civilisation Kamito-Nubienne comme cela est attesté dans l’antiquité aussi bien dans les textes de l’Egypte pharaonique que dans les témoignages des récits grecs, par exemple.

Tout en signalant que la pratique de la circoncision féminine est ignorée aujourd’hui chez bon nombre de Peuples Autochtones de la Nubi Continentale, la circoncision masculine en revanche est aujourd'hui, un trait caractéristique de la civilisation Kamito-Nubienne au point où on peut affirmer qu’un Nubien qui n’est pas circoncis, n’est pas intégré dans sa communauté et est considéré comme un étranger dans celle-ci.

Tout en laissant dans un premier temps ouvert le débat sur la pratique ou non de la circoncision féminine au sein de la communauté des Candidats au Retour, il est indéniable qu’en ce qui concerne la circoncision de l’homme, le recours à cette pratique initiatique est incontournable dans la Nation du Retour et constitue un des signes les plus puissants attestant du Retour effectif de la Diaspora Victime de la déportation, sur sa Terre Ancestrale.

Seku Mâga

samedi, novembre 12, 2011

Pyramides à degré à Nsude

Pyramides à degré à Nsude chez les Igbo au Nigéria/Degree pyramids of Nigeria, Nsude

Carte des mines d'or de Kush





La première carte dans l'histoire de l'humanité datant de 1100 av. J.c. la topographie et la cartographie sont nées avec cette carte. La méthode des itinéraires et la méthode de projection d'un relief sur un plan y sont employées pour la première fois.

/Map of Kush Gold mine, first map 1100 BC


Le temple de la lune à Yeha



Le temple de la lune à Yeha est la plus vieille structure encore debout d'Éthiopie. Il date du VIIIe siècle av.J-C et il est construit sans mortier. The moon temple, Yeha, Ethiopia. Temple of the 8th century BC.

Wild Men and Moors



Une partie d'une tapisserie allemande du 14e siècle montrant un château attaqué qui est habité par un roi et une reine de type africain et défendu par des personnes également de type africain. (titre: Wild Men and Moors <-> Hommes sauvages et les Maures, Museum of Fine Arts, Boston/14th century german tapestry)

black man in central asia 15th century

black man in central asia 15th century
 

Les Sumr (palestiniens noirs)


La plupart des palestiniens noirs sont désignés par leurs compatriotes non-noirs par le mot "abed" (qui signifie littéralement « esclave »). Ce terme est évidemment péjoratif, stigmatisant et réducteur car les Sumr ne sont pas tous descendants d'esclaves. La majorité des Palestiniens noirs évitent le terme  abed, et se désignent plutôt par le terme "sumr" (qui signifie "peau noire" dans le langage palestinien). Les palestiniens n'ayant pas d'origines africaines se désignent comme blancs, mais uniquement pour se différencier des Palestiniens noirs d'origine Africaine.

La particularité des Sumr est que la majorité d'entre eux ne s'identifient pas à des Africains car ils ne connaissent pas leurs origines exactes. 

Pour les Sumr, la fierté nationale qui accompagne une forte identité palestinienne implique le rejet de leur identité africaine. De plus, l'Afrique noire qui est vue par les Palestiniens à la télévision, est perçue comme une région vaste et lointaine, rongée par la famine et l'extrême pauvreté. Le peu d'information écrite sur la migration la plus récente des Sumr dont les origines sont connues indique qu'ils sont venus à Jérusalem comme pèlerins ou travailleurs pendant le mandat 
britannique sur la Palestine (1917-1948). Ils sont venus surtout du  Sénégal, du Tchad, du Nigeria et du Soudan. 

Certains d'entres eux sont arrivés comme membres de « l'Armée du Salut », dont le but était de libérer les régions dominées par les Israëliens. Leur contribution à la résistance contre Israël est largement reconnue par le reste de la population. Après la défaite de cette armée, et sa retraite en Egypte, quelques uns d'entres eux sont rentrés dans leur pays d'origine, alors que d'autres ont préféré rester en Palestine. Leurs descendants directs forment une partie de la communauté des Sumr. 

La majorité des Sumr eux sont des descendants d'esclaves ramenés dans la region à l'époque du régime ottoman voire bien avant. 

La politique esclavagiste de l'époque avait un système social et politique à trois étages. Les sheikhs des bédouin originel de la région de Samran.
 

Les hamran, des familles à l'origine felaheen " fermiers 
paysans" qui avaient besoin de protection et/ou de terres des familles Samran. Les abeds, esclaves noirs étaient à la base de la structure sociopolitique et n'avaient pas les mêmes droits et le même statut que les personnes libres. Certains enfants noirs, esclaves étaient éduqués avec les autres enfants libres de la famille. Lorsque les enfants avaient grandi, leur maîtres arrangeaient leur mariage. Les Sumr ne pouvaient pas épouser des Blancs, même si ceux-ci étaient aussi esclaves. Comme il y avait peu de noirs, les mariages signifiaient souvent pour la fille qu'elle devait quitter la maison de la famille de son maître. Le début de l'ère britannique en Palestine sonnait la fin de l'esclavage, les sumr encore esclaves pouvaient choisir de tenter leur chance et devenir libres, ou alors rester attachés à la famille du maître qui leur arrangeait alors un mariage. 

Dans la société palestinienne actuelle, une grande partie des Sumr vivent dans la précarité et sont socialement désavantagés par rapport aux autres palestiniens (rares sont les Sumr ayant eu l'opportunité de se hisser au rang de leader en Palestine). L'histoire de ce peuple est également en perdition car la plupart des jeunes ne connaissent rien ou peu de leur histoire par manque d'information et manque de volonté des aînés à vouloir la transmettre.

Les Négritos








Les Négritos sont une population noire de petite taille vivant en Asie du sud-est. Ces populations sont regroupées en trois zones
géographiques: les Philippines, les îles Andaman et la péninsule malaisienne
(partagée entre la Malaisie,
la Thaïlande, l'Indonésie et la Birmanie).

Les Négritos sont supposés être les descendants directs des premiers humains modernes arrivés dans cette région d'Asie, il y a 50 000 à 70
000 ans. « Négritos » est la forme abrégée de l'espagnol Negro qui signifie "petit noir". Ce sont les premiers visiteurs espagnols aux Philippines qui ont appelé ainsi ces populations, pensant qu'elles venaient
d'Afrique en raison de leur morphologie.

De taille similaire avec les Pygmées, les Négritos font partie des peuples les plus petits et les moins nombreux et restent les moins connus de la planète
(leur culture, langue, coutumes restent un mystère pour le reste du monde). Malgré leur apparence similaire avec les Pygmées (noire, cheveux crépus, petite taille), les analyses génétiques des Négritos faites par les rares biologistes à avoir
réussi à les approcher, démontre une parenté très lointaine entre les Pygmées et eux qui implique la migration de différentes ethnies d'origine africaine
vers l'Asie à cette période.

Les Négritos sont subdivisés en
plusieurs tribus :

Les Sentinele (Indonésie:
entre 50 et 200 individus) considérés comme le peuple le plus isolé du monde, refusant obstinément tout contact avec l'homme moderne.

Les Jarawas (enfants Jarawas en image ci-dessus) (îles Andaman: environ 800 aujourd'hui, 8000 avant
la colonisation britannique). Leurs plus proches cousins sont les Bochimans du
désert du Kalahari (Afrique du Sud-Ouest) : Ce seraient donc les descendants directs des premiers peuples à avoir quitté l'Afrique. Ils sont hostiles à la
modernité et vivent dans un isolement précaire car ils sont menacés par des compagnies forestières.

Les Grands Andamanais (environ 40 aujourd'hui, contre 5000 avant la colonisation). C'est le plus petit peuple (en nombre) au monde. Il est en grande dépendance vis à vis du gouvernement indien pour sa survie.

Les Onges (environ100 aujourd'hui, contre 400 au début du 20ème siècle soit une baisse de 85% de
la population en un siècle). Ils sont eux aussi très dépendants du gouvernement.
 

John Hawkins



John Hawkins became the first Englishman to carry a cargo of 300 black slaves to the new world.
His voyage netted such a profit that Queen Elizabeth, who initially chastised Hawkins that his slave trading voyage was 'detestable and would call down vengeance from heaven upon the undertakers,' invested quite heavily in Hawkins' subsequent slaving expeditions and provided two of his six ships.
Names of the ships Queen Elizabeth added to the Hawkins' flotilla were 'Jesus' and the 'Grace of God"

jeudi, novembre 10, 2011

Esclavage : Nantes a son mémorial

Le 1er décembre 2011, la ville de Nantes inaugure le Mémorial de l’abolition de l’esclavage. Celui-ci est construit sur l’un des sites historiques de la ville qui vit partir près de 1 700 expéditions négrières.
Au-delà du rappel historique, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage se veut un trait d’union entre le passé de Nantes, premier port nég rier de France au 18è siècle, et la lutte actuelle contre la traite des êtres humains. Comme le souligne, Jean-Marc Ayrault, Député-maire de Nantes, « La lutte pour la liberté et la dignité de tout être humain est une cause fondamentale qui engage notre idée de société ».
Le Mémorial remplit plusieurs fonctions :
Une évocation métaphorique
Il ne s’agit pas d’un musée ni d’un centre de recherche mais, comme le définissent les concepteurs du Mémorial, l’architecte Julian Bonder et l’artiste Krzysztof Wodiczko, « d’une évocation métaphorique » pour se souvenir, et, surtout, « pour mettre en garde pour l’avenir »
Un hommage aux millions de victimes de la traite et de l’esclavage d’hier et d’aujourd’hui.
En 2010, l’ONU a lancé un plan d’action mondial de lutte contre la traite des êtres humains. On comptait cette année-là 27 millions de personnes dans le monde considérées comme des esclaves (selon la définition de la Société des Nations : « état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de la propriété ou certains d’entre eux »
Quelques chiffres :
- 11 millions de captifs ont été déportés de l’Afrique vers les Amériques et les îles de l’Atlantique, entre le milieu du 15è et la fin du 19è siècle.
- 1,6 million d’hommes et de femmes ont péri durant la traversée
- 55 millions de victimes du commerce de l’esclavage en quatre siècles.
« L’inscription permet le dépassement puisque l’esclavage est irréparable et le ressentiment une impasse » (Aimé Césaire)
« L’esclave de l’esclavage est celui qui ne veut pas savoir » (Edouard GLISSANT, Mémoire des Esclavages)
Un rappel historique
Organisations et financement d’expéditions, achat d’esclaves, production de marchandises destinées au commerce sur les côtes africaines : toutes les nations européennes furent complices de l’esclavage. La France arrive au 3è rang des pays organisateurs après l’Angleterre et le Portugal avec 4 220 expéditions négrières entre le 17e et le 19e siècle. Nantes fut la capitale négrière en France : elle organisa 43% des expéditions françaises et ses navires déportèrent environ 450 000 captifs.
Un signal pour aujourd’hui
L’esclavage demeure un sujet d’actualité au 21è siècle : asservissement pour dettes, mariage ou travail forcés, prostitution... ils sont 200 millions, aujourd’hui à en être victimes dans le monde entier. En France, domestiques ou ouvriers dans des ateliers clandestins, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont en situation d’esclavage, selon le Comité Contre l’Esclavage Moderne.
Un parcours sur les traces du long combat pour les Droits de l’Homme De la haute Antiquité jusqu’à la Révolution, l’esclavage ne fait pas débat. Seules les voix d’une poignée de religieux en rupture de bancs avec l’église, de quelques philosophes et de certains économistes le jugeant contre-productif, s’élèvent contre le commerce d’êtres humains. En 1794, cependant, l’esclavage est aboli... avant d’être rétabli, en 1802, par Napoléon. Le 27 avril 1848, 50 ans après la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, l’esclavage sera définitivement aboli en France. Cliquez ici pour la visite virtuelle du Mémorial de l’abolition de l’esclavage.

L’espoir brisé d’une Martinique égalitaire

Retour sur l’insurrection du monde rural qui rassembla en 1870 ouvriers et petits planteurs noirs dans le prolongement de la Commune de Paris et qui fut violemment réprimée.
L’insurrection de Martinique, 1870-1871, de Gilbert Pago.Éditions Syllepse, 2011, 154 pages, 9 euros. La Martinique a-t-elle connu sa Commune en septembre 1870 ? Surgie sur les décombres du ­second Empire, réprimée dans le sang des exécutions sommaires et par une justice de caste qui condamna à mort ou au bagne, la révolte martiniquaise portait aussi les espoirs d’une population rêvant de bien-être et d’égalité. Mais là s’arrête la comparaison. Car le livre de Gilbert Pago s’attache justement à replacer cet événement dans le contexte d’un monde colonial antillais « qui n’était plus esclavagiste mais n’en restait pas moins violent, ségrégationniste et inhumain ».
Si, sur fond de débâcle militaire en métro­pole, l’étincelle de la révolte est fournie par la condamnation abusive d’un entrepreneur noir et les provocations d’un béké monarchiste, le feu couvait depuis longtemps sous la cendre des promesses anéanties de 1848. Les paysans noirs sont passés du statut d’esclave à celui de travailleur forcé et subissent les humiliations d’une élite blanche. Ce sont ces ruraux qui composaient le gros de la troupe insur­gée. La petite bourgeoisie de couleur et les mulâtres, bien que confinés dans des rôles de citoyens de seconde zone, ne se rallièrent pas au mouvement, préférant jouer la carte de l’assimilation.
L’analyse des minutes des procès nous renseigne autant sur le profil et les motivations des insurgés que sur l’incroyable mépris des békés, dont certains se vantaient d’être « toujours vierges », c’est-à-dire de n’avoir pas encore eu à serrer la main d’un ancien esclave ou à trinquer avec lui ! La place des femmes est elle aussi parfaitement bien illustrée par l’auteur, qui s’attarde sur Lumina Sophie, véritable « pétroleuse martiniquaise », à la fois incendiaire d’habitations et meneuse charismatique. Le sort que la justice lui fit, à elle comme à la plupart de ses compagnes, est d’ailleurs emblématique des valeurs d’une société où le machisme le disputait au racisme : elle sera punie moins pour son rôle dans l’insurrection que pour avoir refusé de se conformer aux codes moraux en vigueur, à l’image « de douceur, de soumission et de réserve » qui sied alors aux femmes.
Pour spontanée qu’elle fût, cette ­révolte n’était en outre pas dénuée de contenu social et politique. Son attachement naïf à la République du 4 septembre l’éloignait certes de toute visée indépendantiste, mais s’assortissait d’un mot d’ordre de partage des terres qui souda les ardeurs des ­petits planteurs et des ouvriers agricoles. Il fallait en finir avec l’arrogance des békés et les empêcher « de jouir plus longtemps ». La dénonciation de la pwofitasyon en 2009 témoigne donc du chemin parcouru comme de celui qui reste à parcourir…
Sébastien Jahan

mercredi, novembre 09, 2011

Diaspora : un village d'irréductibles Africains en Colombie

Ils venaient de Guinée-Bissau, du Congo, du Sénégal ou du Nigeria. Esclaves en fuite, ils créèrent en 1603 au coeur de la forêt amazonienne le village de Palenque de San Basilio en Colombie. Quatre siècles plus tard, leurs descendants n'ont rien renié de leurs origines.

Dans la touffeur d’un après-midi tropical, les pieds des enfants martèlent le sol poussiéreux jonché de cailloux. Leurs mouvements saccadés marquent le rythme inépuisable du tambour. Ils ont à peine 10 ans et, comme de bons petits soldats, connaissent déjà leurs chorégraphies sur le bout des… orteils. À Palenque de San Basilio, la danse est un combat. Une lutte quotidienne pour la survie d’une culture qui a bien failli disparaître : celle des anciens esclaves africains de Colombie.

Dans tout le pays, Palenque de San Basilio est considéré comme un village d’irréductibles, symbole de résistance et de liberté. Au pied des montagnes, à une heure de la côte caraïbe, ce village de 3 500 habitants fondé en 1603 par trente-sept esclaves occupe une place à part dans le cœur, l’histoire et les revendications des Africains-Colombiens. Originaires de Guinée-Bissau, du Congo, duSénégal ou du Nigeria, ces pionniers ont fondé le premier palenque (village fortifié habité par des esclaves en fuite) de l’histoire latino-américaine.


Héritage délaissé puis retrouvé

Pendant quatre siècles, les Palenqueros ont vécu coupés du monde. Une autarcie salvatrice, puisque leur héritage africain est aujourd’hui presque intact. Mélange d’espagnol, de portugais, d’allemand et de langues bantoues comme le kimbundu et le kikongo, la langue palenquera en est le meilleur témoignage.
Si, jusqu’au milieu du XXe siècle, le village a su se préserver du monde extérieur, la nécessité de nourrir leurs familles a par la suite poussé les Palenqueros à migrer vers les villes et villages alentour. Ils se sont alors heurtés au racisme et aux moqueries des Colombiens. Sur le seuil de sa maison au toit de palmes, dans son fauteuil à bascule, Concepción Hernández se souvient : « Ils se moquaient de notre façon de parler. Ils disaient que les nègres comme nous n’étaient même pas capables de travailler dans leurs champs. »

Humiliés, les émigrants cultivent alors un sentiment de honte et de rejet de leur propre culture. « Lorsqu’ils sont rentrés au village, les parents ont dit à leurs enfants qu’il ne fallait plus parler palenquero, mais espagnol », raconte Solbay Cáceres. Ironie de l’histoire, cette objurgation était énoncée en… palenquero. Brutalement, la langue maternelle a donc cédé la place à l’espagnol. Dans les années 1980, un tiers des habitants seulement, les plus anciens, s’obstinaient à la parler.

Depuis 2008, le village de Palenque de San Basilioest inscrtit par l'Unesco au patrimoine immatériel de l'humanité.

Pourtant, une discrète révolution va bientôt s’amorcer. Une poignée de villageois finissent par être admis dans les grandes universités colombiennes. Une élite intellectuelle et militante, influencée par le mouvement des droits civiques aux États-Unis, qui découvre l’anthropologie, la sociologie et surtout la linguistique. Les jeunes Palenqueros prennent conscience de la lente disparition de leur culture. Le renouveau de la langue sera leur premier cheval de bataille. Ils organisent une vaste opération de collecte d’informations, et un dictionnaire palenquero voit le jour. Dix ans plus tard, les premiers cours d’ethno-éducation se mettent en place. Avec une obsession : la sauvegarde de l’identité palenquera.

« Il faut préparer les jeunes qui vont quitter le village à ne pas devenir les ennemis de leur propre culture », explique Manuel. Dans l’école du village, on enseigne les traditions palenqueras, on fait appel aux témoignages des plus anciens, et, surtout, on apporte une autre vision de l’histoire colombienne : « Il faut parler de ce que les Noirs ont apporté à ce pays, soutient le Pr Rodrigo Miranda. Parler de Simón Bolívar ? Oui, bien sûr, mais aussi de Benkos Biohó [le fondateur de Palenque de San Basilio]. »

Sans appui extérieur, les villageois se mobilisent pour faire reconnaître l’authenticité de leur culture et déposent un dossier de candidature auprès de l’Unesco. En 2008, leurs efforts sont récompensés : Palenque de San Basilio est inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité. Leur musique, leur danse et leur gastronomie font l’objet de programmes de préservation et de valorisation. Pour les Palenqueros, c’est une victoire à la fois culturelle et politique.

Un modèle pour les communautés 

Désormais fiers de leurs racines africaines, les Palenqueros n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin et s’efforcent d’obtenir leur autonomie administrative et politique. Depuis 1993, la législation colombienne reconnaît des droits spécifiques aux communautés d’afro-descendants. En 2008, Palenque de San Basilio a déposé une demande auprès de l’État pour devenir propriétaire des 7 300 ha que compte le village, afin d’obtenir une autonomie équivalente à celle dont bénéficient les communautés indigènes. « Ils sont notre modèle. Nous sommes en contact permanent avec eux », révèle l’anthropologue Jesús Palomino.
Un modèle, Palenque de San Basilio l’est devenu pour l’ensemble des communautés afro du pays. « Avant notre combat, il n’y avait aucune politique publique pour les Africains-Colombiens, rappelle Palomino. Aujourd’hui, on aide les autres communautés, on partage avec eux notre savoir-faire en termes de préservation du patrimoine et on assure un soutien juridique. » Palenque de San Basilio continue donc de construire sa légende, au rythme des combats quotidiens. Comme une danse sans cesse recommencée. 
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Par Marie Bolinches et Antoine Simonneau, à Palenque