jeudi, mai 10, 2012

Discours du 10 mai 2011 à Sainte Geneviève des bois



Monsieur le Maire,
Messieurs et mesdames les conseillers municipaux,
Messieurs et mesdames les présidents
Chers amis,

Nous voici réuni ce 10 mai 2011  autour de ce mémorial du souvenir de Sainte Geneviève des bois, en ce jour particulier nous honorons la mémoire de deux illustres personnages, ils n’ont rien de commun, si ce n’est qu’ils sont nés esclaves, l’un plus que l’autre, mais c’est la condition de servilité qui a préludé  à leur naissance et c’est cette mémoire qui nous rassemble.

Toutefois, avant de parler des  personnages pour lesquels une plaque à leur nom sera apposée sur la stèle, revenons  un instant à la loi Taubira.

Ce 10 mai 2011,  fera 10 ans que l’assemblée nationale a adopté cette loi  qui dans on article 1er dit : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité. »

Cette loi  qualifiée  mémorielle avait été votée à l’unanimité, tous les députés l’ont voté, mais depuis son entrée en vigueur elle n’a eu cesse d’être décriée, dénoncée et aujourd’hui elle est menacée : « le 2 mars 2011, le chroniqueur Erick ZEMOUR, condamné avec sursis, le 18 février, à 2000 euros d’amende pour provocation à la discrimination raciale, reçoit une ovation des députés de l’UMP réunis à l’assemblée nationale lorsqu’il propose de supprimer les lois mémorielles ainsi que les subventions aux associations anti-racistes.
Le lendemain, 3 mars 2011, c’est au tour de Christian VANESTE, député UMP du Nord, de déclarer sur le site « le nouvel observateur.com », que : « la loi Taubira est une honte pour notre pays, une honte pour la liberté d'expression dans notre pays. Il faut la supprimer tout de suite. C'est une loi anti-française ».
Ces personnes considèrent que toute date de commémoration de l’esclavage, que ce soit celle de l’abolition (10 mai) ou celle en mémoire des victimes (23 mai) doit être supprimée. »

Face à ces attaques, les afro-descendants et les personnes de bonne volonté se mobilisent pour la sauver.

Donc,  c’est un triste anniversaire. Il pourrait s’apparenter presque à un déni, d’histoire, un déni de mémoire, une insulte pour nos populations, celles dont les ancêtres ont été victimes de la traite et de l’esclavage.
 Pourtant la loi Taubira n’est pas contraignante, ce n’est pas une loi impérative,  dans son art 2 elle prévoit : «  Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée. »
La loi ne donne pas de direction, ni de sens, pas d’orientation, la loi  demande que cette histoire soit enseignée, simplement  que l’on accorde à la traite négrière et l’esclavage la place qu’elle mérite…
L’article 3 c’est une intention  « Une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique ainsi que de la traite dans l'océan Indien et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe, des organisations internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette requête visera également la recherche d'une date commune au plan international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, sans préjudice des dates commémoratives propres à chacun des départements d'outre-mer. »
Cette loi est peu de chose, elle ne prévoit pas de sanctions, n’est pas directive, alors pourquoi une telle hostilité vis-à-vis de la loi Taubira ?
Plusieurs facteurs à cela, une congruence  d’évènements   conduisent à la remise en cause des lois mémorielles :
Tout d’abord :
-          La mémoire est un enjeu économique ( car pouvant donner lieu à réparation, ce n’est pas le cas de la loi Taubira, rien n’est prévu à cet effet) ; 
-         un enjeu politique (car pouvant modifier les rapports de force et agglutiner des votes population envers…),
-         Un enjeu sociologique (  car la loi nomme et détermine des groupes sociaux, elle identifie une composante de la société) ;
-         un enjeu idéologique (vous êtes au fait de l’actualité, chacun constate que le climat européen n’est guère serein, les déceptions quant aux politiques menées génèrent un ras-bol des populations qui se traduisent par une montée généralisée des thèses de l’extrême droite…
Le contexte de grande déprime économique fait que les démocraties sont sous la menace  des forces du fascisme et de l’extrême droite et dans un tel contexte les idées racistes ressurgissent, elles sont assumées,  voire banalisées, à l’instar de ce qui s’est passé à la Fédération française de Football : trop de Noirs et d’Arabes, alors il faut discriminer, mais il ne faut pas que cela se sache, mais cela s’est su.
Toutefois, ces gens répondaient aux désidératas  de feu Georges Frêche et de Jean-Marie Le Pen : l’équipe de France est black, black, black.
Une argumentation fondée sur des préjugés raciaux, une discrimination fondée sur des critères  de couleur.
Mais ce qui est le plus triste, ce que nous croyons que ces gens qui se disent non-racistes ne sont effectivement pas racistes.
Comment la vérité pourrait-elle raciste, et eux ils énoncent des vérités : les Noirs forts et costauds, mais pas très intelligents. Les Arabes, des fanatiques, égorgeurs,  tous des voleurs. Les Juifs des manipulateurs, des menteurs et des escrocs.
Insidieusement, on renoue avec ces déterminismes raciaux,  qui  de tout temps ont conduit les hommes à s’affronter, à s’entretuer, à plonger le monde dans la terreur et la guerre.
Alors les lois mémorielles, elles doivent-être vues comme des phares éclairant la mer,  afin d’éviter les naufrages.
Et c’est pourquoi,  nous devons maintenir ces lois et faire perdurer dans les mémoires, le souvenir de ces grandes catastrophes humaines, de ces grands naufrages de l’humanité, afin de nous préserver de leur renouvellement et de leur répétition.
Chacun d’entre nous doit dire et faire pour que les drames ne se répètent pas.
Dire que quelle que soit la couleur de la peau et les origines, nous sommes tous des hommes, il n’y a pas des plus humains que d’autres.
Faire que le vivre ensemble soit possible et cela passe par une réalité effective des droits et la lutte contre les discriminations et les préjugés.
Merci de votre écoute.

Tony Mardaye 

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